La question posée est "peut-on exprimer l'indicible par une oeuvre d'art?"
L'extermination des camps de concentration peut-elle se visualiser sur un support dit "artistique"?
Il existe effectivement des oeuvres sur le thème.
Angela Merkel vient d' inaugurer le 25 janvier dernier à Berlin une expo (visible jusqu'en avril) de productions liées à la déportation.
A cette réponse difficile, un artiste m'a particulièrement intéressée. Il m'était totalement inconnu. Découvert l'année dernière.
C'était à Genève, au 29 ème Salon du Livre de 2015
Alexander Tikhomirov (1916-1995) était présenté dans le cadre de l'hôte d'honneur: la Russie, avec ses peintures dédiées " En mémoire des victimes innocentes"...
Tuées par la barbarie nazie.
Jusqu'alors, je pensais que seul le documentaire (film, photo) puisqu'il était supposé "réel"pouvait décrire cette réalité là.
Or, les tableaux présentés à Palexpo étaient forts impressionnants car décontextualisés. Pas de meuble. Que des corps..Et des titres évocateurs: adieu, lamentations, prisonnier etc.
Ils retranscrivent fort bien ce que l'on peut nommer "l'au delà de l'humain dans son angoisse existentielle", cette limbe entre vie et mort.
Je suis restée scotchée sur place, fort étonnée du rendu.
Surprise que l'angoisse des camps puisse ainsi se décrire et se transmettre par Art interposé.
Présence de la petite fille du peintre Daria Tikhomirova
Cerise sur le gâteau, une jeune femme à la beauté slave éclatante représentait l'artiste devant ses tableaux: sa petite fille Daria.
Un contraste fantastique avec le contenu NOIR fusain sur les camps d'extermination.
Contraste significatif car à y réfléchir, sa présence face aux tableaux fut essentielle pour un choc visuel.. créatif.
Sa présence montrait en creux, combien les annihilés de l'extermination disparaissent aussi dans leur descendance qui n'a pas pu exister, annihilée, devenue poussière d'histoire.
Sa présence montrait par là, combien la force de vie doit être la règle.
A propos, une interview parisienne de novembre 2015 nous apprend que la jeune russe de 24 ans se lance elle aussi, comme son père et son grand-père, dans une carrière artistique.
Mais avec une approche opposée car joyeuse: écume l'allégresse!"
Je cite:
"les oeuvres de Daria Tikhomirova sont des écumes d’allégresse. Elles nous donnent toutes les raisons de garder la foi en la sérénité et la joie mais aussi des odes à la paresse, à admirer la grâce d’une ballerine ou à se délecter, allongé au soleil, de grains de raisin".
"Je veux donner le sourire et refléter la beauté de la vie", affirme justement Daria Tikhomirova qui porte AUSSI en elle l'héritage d'un regard fort qui a trouvé le moyen de décrire le sombre indicible de la tuerie de masse.
Justement...
Sylvie Neidinger
crédit images: salon = Neidinger. +capture d'écran pour oeuvre Daria T