Il y a un an pile, le 26 juin 2021 la Suisse rompait unilatéralement et assez brusquement les discussions avec l'UE.
Une date dans l'Histoire Helvète. Le pays a dès lors vu ses accords bilatéraux non actualisés et commencer à se périmer. Au grand dam de ceux qui ne jurent que par le statu quo ante et réclament que la situation antérieure -...périmée!- perdure, agitant le chiffon rouge du supposé unique responsable de tous ces ennuis: l'UE!
La Commission refuse en fait ce qui lui apparait comme une approche " à la carte" en "cherry picking". Précisément elle réclame depuis 2008 un accord institutionnel à la Suisse pour la laisser accéder à son marché intérieur.
[Pour mémoire, la votation suisse anti européenne de 2013 avait agi comme un aiguillon, une piqure de rappel voire un choc côté européen]
Du coup, fin novembre 2021, face aux revirements et au flou, le commissaire européen en charge des relations avec la Suisse, Maros Sefcovic exige de Berne une feuille de route concrète d'ici à janvier 2022, mentionnant expressément ce que la Suisse veut.
Janvier: rien ne se passe, Davos étant reporté.
25 FEVRIER 2022: BILATERALES ET ENCORE BILATERALES
Le 25 février dernier, son homologue, Ignazio Cassis établit en réponse "son" plan B:" le Conseil fédéral a adopté "les grandes lignes d'un paquet de négociations" avec l'Union européenne (UE), peut-on lire dans un communiqué.
Précision: un plan adopté...unilatéralement! Juste une proposition , "pas un nouveau souffle" entre les deux.
Toujours et toujours: cette volonté helvète répétée de poursuivre la relation avec l'UE comme ELLE l'entend, sur la base -désormais désuète pour l'Europe- des accords sectoriels ponctuels (130 à ce jour) en souhaitant même les voir actualisés. Mieux : améliorés.
Avec souvent un vocabulaire impératif "il faut, on doit".
A l'UE qui réclame un cadre juridique global stable, le Président de la Confédération en réponse évoque même des... arrangements: "Nous sommes motivés à trouver un chemin qui puisse arranger les deux côtés" !
Son raisonnement dit "pragmatique" reste finalement ... compliqué. Il refuse fermement un accord général (présenté comme" horizontal" donc qui concernerait toute la relation CH-UE) au profit de "paquets" d'accords sectoriels mêlés à du...vertical.
"L’accès au marché européen, et en particulier les questions institutionnelles, doit être réglé grâce à une approche verticale, à savoir sectorielle, a-t-il précisé.
Principe ici exposé:, "la reprise dynamique des droits, le règlement des différends ou encore les exceptions et clauses de sauvegarde doivent être réglés dans chaque accord existant."
La proposition? Une usine à gaz imprécise , instable car modifiable à souhait dans le contexte de la démocratie suisse et des votations toujours possibles. Les "intérêts communs" sont évoqués mais sans détail.
De ce fait, le plan de relance (25/2/22) du Conseil Fédéral favorise un scénario où la Suisse ne serait pas soumise à l'arbitrage de la CJE.
M. Cassis emploie pour ses annonces un curieux langage hyper réaliste -presque celui du petit négoce !- avec ces "paquets" à prendre à la verticale (coupez-en une tranche?) Il propose en fait d'appliquer un petit morceau du droit supra à chaque secteur. Paquets rangés dans les tiroirs de la boutique évidemment...
A lire les médias suisses, la position du Conseil Fédéral qui consiste à s'accrocher aux bilatérales sans signer de supra accord est un voeu largement partagé par le secteur économique. Et par la population!
L'ELOIGNEMENT DES POSITIONS S'ACCELERE
La proposition du 25 février reste en fait un dialogue suisso-suisse, pouvant générer des discussions internes sans fin, surtout vu de l'extérieur !
La Suisse réitère sa demande spécifique comme Etat non membre, de garder un accès sectoriel au marché unique de l’Union européenne.
Etonnant entêtement (ou déni?) car l'autre partie - les 27- a clairement signifié, à plusieurs reprises que les bilatérales furent instituées en vue d'un accord global (EEE ou intégration).
Du coup la Commission n'a pas répondu aux propositions du 25/2/22 de M. Cassis au motif de l'absence de base de discussion. En effet, le communiqué de l'UE dit textuellement "ne pas savoir si les propositions suisses constituent une base pour de futures négociations".
PAS UN "CONCUBINAGE" !
Madame Livia Leu, diplomate partie "aux nouvelles" n'en rapporte pas non plus . Elle aussi emploie un langage hyper "pragmatique" pour décrire au retour de Bruxelles une relation de ...concubinage avec l'UE: inexact!
Les positions UE/CH s'éloignent de jour en jour, soit " Un champ de ruines"titrait un média.
Mai 2022/Maros Sefcovic a proposé de se rendre prochainement en Suisse: en vain.
Mai 2022/Ignazio Cassis voulait lui, organiser une mise en scène de signature à Davos avec son homologue: en vain.
La communication passe mal.
Le problème de fond perdure.
En résumé à ce jour , la Suisse refuse tout accord européen supra national. D'ailleurs, c'est TOTALEMENT son droit !
Elle donne ses arguments valides : peur pour son système de votation, sa souveraineté, sa neutralité, son indépendance etc.
En revanche, il lui faut dès lors accepter de ne pas avoir un accès au marché intérieur autre que celui d'un pays dit "tiers". La Suisse ne peut bénéficier d' un " traitement de faveur"
indique l'ambassadeur de l'UE Petros Mavromichalis Sur la Cour de Justice par exemple, sa réponse est claire «En cas de doute (les pays membres) doivent se tourner vers la CJE, seule à même de décider de la portée d'une directive européenne», et «nous ne pouvons pas traiter différemment un État tiers comme la Suisse, qui participe au marché commun, je ne comprends pas pourquoi c'est quelque chose qui n'est pas compris dans ce pays»
A quand la prise de conscience? Pire, les chemins s'éloignent.
Sylvie Neidinger