REPORTAGE. Dimanche 11 janvier 2015 est historique en la France mobilisée pour la liberté d'expression. Journée inédite.
Autour de quatre millions de manifestants. Quatre millions et demi certains si on ajoute les villes qui choisirent de défiler le... samedi (700000 dans les rues, la veille).
Du jamais vu.
Plus nombreux encore que le 26 août 1944, à la Libération. Puisque c'est le comparatif que l'on peut lire ça et là.
Etonnants soutiens affichés à la fois à Charlie l'impertinent et... aux forces de l'ordre...applaudies, soutenues.
Aux journalistes, aux quatre victimes de Vincennes, aux blessés.
Le slogan a largement dépassé la rédaction parisienne assassinée.
Les dessinateurs de Charlie, tel Willem qui aujourd'hui s'insurgent contre ce qu'ils nomment une récupération et pestent face au nombre doivent...se calmer.
L'enjeu les dépasse totalement, au delà des clivages politiques. Justement.
Car c'est de la liberté d'expression générale universelle qu'il s'agit désormais, suite aux attentats. Tout simplement un refus des actes qui répondent par des bombes à des dessins.
Les marseillaises furent chantées et les drapeaux tricolores agités "en émotion commune ".
Une ambiance rare en hexagone, drapeaux au vent.
Rare: pas nationaliste mais nationale. Sans superlatifs.
Comme un pays qui se rassemble sur ses fondements touchés par le terrorisme.
A Grenoble, le chiffre de 110 000 participants est immense. Pour la première fois de son histoire semble-t-il.
Nombreux se sont déplacés des alentours aussi, pour cette marche silencieuse organisée par le Club de la Presse 38 .
Lequel a fait passer le "je suis" au "nous sommes Charlie" sur la banderole portée en tête de cortège par les deux corps de métier.
Elle unissait journalistes et policiers. Cartes de presse, crayons, stylos,appareils photos brandis.
Policiers dans un rôle inédit, habituellement à surveiller tout rassemblement.
Dans la foule: toutes les opinions, de ceux- plutôt âgés-affirmant avoir été élevés au petit lait de Cabu et Wolinski à ceux qui pensaient le journal trop extrême et provoc'.
Beaucoup n'achetaient ...jamais le journal des "ados attardés" qui se présente lui même comme "irresponsable" (cf le slogan) Ils manifestaient pourtant dimanche contre les attentats en soutien à toutes les victimes.
Le cortège partait de Jean Jaurès vers 15 h, l'accès au point de départ initialement prévu étant impossible.
Le flot trop important créé des blocages et du piétinement sur place. Une heure 30 après le démarrage, ceux de la gare n'ont toujours pas bougé !
Applaudissement émouvants qui passaient par vagues, ont raconté les piétons du cortège.
Le parcours sera allongé, volontairement élargi par un tour ultra élargi du parc Mistral, en raison de la foule.
Devant la mairie, des religieux, prêtres, rabbins et imams rejoignent le cortège.
Un acte symbolique très fort que cette union pour un vivre ensemble. Une unité paradoxalement construite autour de l'hommage à un journal... parmi les plus irrévérencieux et féroces sur le thème des religions !!
Le slogan "je suis Charlie" dépasse définitivement tous les clivages !
Arrivés au Parc Mistral, policiers et journalistes de la banderole se positionnent dans les gradins.
Du haut, Anne-Gaëlle Metzger, présidente du Club de la Presse de l'Isère décline au mégaphone, entendu par les premiers rangs, la liste des 17 victimes du terrorisme. Elle orchestre une minute de silence. Remercie les bénévoles.
La marseillaise sera entonnée par deux fois au total. dans un mode de chanter étonnant, en communion réelle. Pas la mécanique un peu automatique des fêtes nationales . "Charlie" sera scandé.
Puis la banderole est enroulée, rangée.
La manifestation commence à se disperser alors que tous n'ont pas encore atteint le parc d'arrivée...
A Grenoble se sont réunis 110 000 manifestants... pour une ville de 160 000 habitants !
Sylvie Neidinger
crédit images/ photos Neidinger