Pseudo-journalisme...
"La Villeneuve, le rêve brisé"....le reportage passé le 26 septembre sur France2 a engendré la colère.
Colère vécue contre ce docu lourdement à charge qui n'a rien à voir avec une enquête de terrain équilibrée.
Pas de parole donnée aux associations de terrain à l'action et la vision positives.
Juste, de la tv trash d'une violence extrême. Un montage nerveux, angoissant.
Signalé comme "interdit aux moins de 10 ans". Interdit aux moins de 120 ans, plutôt !
Confirmé le lendemain par les réactions locales inhabituelles: deux pétitions sont lancées. L'une par les politiciens du cru et l'une par la population dont certains habitants voulaient aller jusqu'à manifester devant la dite chaîne de TV à Paris (google regorge d'articles dits "de suite".)
La ville est en émoi depuis. Le soufflé local ne retombe pas: conseils municipaux houleux. Colère qui déborde de partout.
Les "journaleux envoyés spécialement de Paris" ont allumé un briquet dans un contexte local au gaz lourd.
Appuyant leur démonstration à charge sur un fait divers douloureux: le double assassinat horriblement gratuit de Kevin et Sofiane intervenu... pile un an avant la diffusion, le 28 septembre 201 (instrumentalisation ?).
Effet Streisand sur l'image de la police en intervention
Si l'on analyse ce programme diffusé, on y détecte un effet Streisand. C'est à dire un résultat inverse de ce qui était prévu par les responsables de la chaîne.
1-Notamment à propos du rôle de la police dans ce film. Les policiers exercent un métier difficile. Le terrain Villeneuve peut être difficile. Il n'y a aucun doute. Il est bon de rappeler leurs fonctions régaliennes, le fait qu'aucun espace du territoire ne peut échapper à leur vigilance.
Or, paradoxalement ce reportage mal ficelé renvoie au grand public un effet inverse de leur action sur le terrain: une image plutôt...négative.
L'épisode police démarre avec le doc et dure 5 longues minutes. Le téléspectateur suit dans la nuit une brigade. Choc de voir les chiens de la brigade canine lancés contre des jeunes. Spontanément, le téléspectateur se met en empathie, en sympathie évidemment avec ceux qui sont face aux crocs.
Des chiens lancés en direction d'une population sont une image d'une violence plus qu'extrême.
A la fin du reportage, presque négligemment, la pseudo journaliste lance qu'on va songer à une police de proximité à la Villeneuve. Question: combien de chenils sur place ? Et sponsorisés par Canigou-croquettes..
2- PROBLEME DU TIREUR. Gravissime, la pseudo journaliste demande à un tireur qu'elle affirme sans preuve "être un habitant de la cité" de 1)montrer à la caméra une arme de gros calibre et 2) de tirer plusieurs fois la nuit au coeur des immeubles.
Ce qui est illégal. Et très lâche, car sans prouver l'identité visuelle de l'individu puisque le tireur est... masqué.
Résumé. Un tireur non identifié va lancer ses balles réelles dans le nuit devant la caméra rendue complice.
Il peut être d'ailleurs un acteur rémunéré par le média? Ou un membre de l'équipe de tournage? Il est masqué. Toutes les hypothèses sont de facto juridiquement ouvertes.
Or l'équipe de tournage sait, elle, qui en réel a tiré.
Résumé factuel : France 2 provoque donc les tirs qui se font bien à sa demande.
Ensuite la pseudo journaliste lance cette remarque inouïe d'indécence morale "personne dans la Cité n'a porté plainte le lendemain suite à ces tirs nocturnes"(remarque : par elle initiés)
Problème: on imagine bien que officieusement des "responsables " grenoblois doivent savoir qui a tiré...Scandale.
Les autorités locales, nationales ne demandent pas de comptes à France2 qui, pour son émission de téléréalité à scandale fait tirer à balles réelles la nuit au coeur d'une cité de ...14 000 habitants ?
Un petit délinquant qui tirerait serait évidemment arrêté et c'est parfaitement normal.
Une chaîne de TV, France 2, qui provoque pour les filmer des tirs à balle réelle dans la plus grande lâcheté car de nuit, dans la noire obscurité, n'ont pas eux à même être convoqués une seconde dans un commissariat.
Le CSA: il valide ?
En résumé. Dans ce reportage trashissime, les chiens sont lancés sur les jeunes et la journaliste en pleine délinquance médiatique s'en sort avec les compliments de sa direction qui évidemment la soutient.
Normal qu'ils se défilent: les responsables du programme ont commandé cet objet télévisuel et son angle particulier...Ils doivent eux aussi rendre des comptes. Ils fuient en donnant dans la leçon de morale sur la profession de journaliste.
Erreur : ici il ne s'agit pas de journalisme mais bien de téléréalité.
Les 14 000 citoyens de la Villeneuve sont en droit de demander à "Envoyé Spécial"d'aller rapidement officiellement dire, elle et son équipe de tournage, à la Police de Grenoble qui a tiré, non ? Qui a tiré à la demande de cette "envoyée spéciale Tirs".
(adresse de la police: avenue du Général Leclerc à Grenoble)
La déclaration aux autorités policières grenobloises peut-être faite évidemment par les responsables nationaux de la chaîne de service public France 2, s'ils ont de la rigueur morale, du remords et du respect du Droit.
Or ni la "journaliste" ni son média employeur ne vont le faire. Elle va se... protéger derrière la Loi de la protection des sources. Ou sa propre liberté d'expression: facile !
Car la journaliste est bien à la source des balles de nuit.
L'épisode choquant des tirs de nuit, monté par France 2 a bien entendu été immédiatement repris en boucle par d'autres médias (dont Morandini Zap). Ce qui va engluer encore plus la Villeneuve dans ses problématiques réelles ou l'image qui en est faite ...
L'aspect manipulation est augmenté par la concomitance des deux actions du film :1-une lourde présence policière en début de reportage puisque la caméra filme dans le sillage de la brigade et 2- un tireur de nuit embêté par.... personne. A qui personne ne semble demander de comptes.
3-Le timing surprend. Le film tourné en hiver sort en septembre. Soit pile un an après l'assassinat. Une enquête judiciaire est en cours. Ce film est de facto très intrusif de ce dossier précis. Il se joue d'un fait divers.
3-Cette typologie de reportages est insérée dans une programmation voulue puisque France 2 décline actuellement la thématique police sous toutes les coutures.
Sauf qu'ici, il ne s'agit pas de journalisme mais de provocation racoleuse d'audience, les dégâts derrière sont majeurs. A commencer par l'image de la police atteinte. Policiers sur un terrain difficile toute l'année alors que les auteurs du documentaire inique, dorment dans leurs petites chaumières.
LES URBANISTES FOUS ONT CREE UN "QUARTIER MENOTTES"
Un prochain article reviendra sur les utopies urbanistiques et le titre "rêves brisés". On ne peut s'empêcher de comparer la plan de la Villeneuve à des menottes. Une architecture enfermée, comme la maquette ne le montre.
Pour conclure et donner la parole à un jeune habitant ....Il dit que c'est l'hiver, les stations de ski sont à trois quart d'heure du centre ville (exceptionnelle proximité de Grenoble et de ses pistes olympiques)
Mais des stations où nombreux jeunes de la Villeneuve n' ont jamais ou très peu mis un pied.
Oui, certains jeunes (pas tous heureusement!) sont bien enfermés dans le "rêve" cauchemardesque des urbanistes, enfermés dans l'urbanisme menotte, dans leurs éventuelles addictions.
Dans leurs actes délictueux quelquefois, inacceptables pour le Vivre ensemble.
Dans leur manque de travail, dans leur manque de marché du travail ouvert.
Enfermés dans l'image de la Villeneuve, Balladins, Arlequin, Heilbroner etc...
Enfermés dans leurs têtes aussi.
Mais pas toujours attention aux clichés: les actions positives, les jeunes qui se battent pour étudier, créer leur job vivent aussi à la Villeneuve.
Comment dérouiller tout l'ensemble ?
En commençant par rejeter un reportage honteux d'une posture intellectuelle immorale.
Immoral car paradoxal. Envoyé spécial scénarise en allant jusqu'à monter des scènes violentes illégales (tirer la nuit dans une cité!) pour.... dénoncer la violence locale de la Cité dont il désigne les auteurs: les jeunes évidemment. Facile .
Le "rêve brisé"enfonce plus encore un réel si complexe.
En choisissant d'enfermer la police, les jeunes et la Villeneuve dans une posture caricaturale, cliché.
Envoyés spécialement de Paris pour un raid médiatique punitif.
Sylvie Neidinger
*Le Club de la presse de Grenoble : avis pour et contre Lire
*La Justice doit se prononcer le 26 juin 2014 suite à la plainte des habitants Lire
*Une émission d'Envoyé spécial avait déjà été signalée négativement par le CSA pour violence d'image en février 2013
Suite:
Le CSA soutient la plainte des habitants
-envoye-special-a-foutu-en-l-air-notre-vie-de-quartier-nous-portons-plainte.
La stigmatisation caricaturée des banlieues par les médias se reproduit avec l'émission Zone Interdite en avril 2015 :
http://rue89.nouvelobs.com/2015/04/16/zone-interdite-les-ghettos-voulait-barbus-djellabas-25869
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