Les nombreux reportages à l'occasion de la disparition de Charles Aznavour, surtout ceux sortis de la naphtaline permettent de mesurer la teneur excessive du mépris à son encontre.
A ses débuts mais pas seulement.
Pas seulement en France...Egalement aux USA où il fut même surnommé un jour "has no voice".
Voir article sur la bio de Shahnourh Varinag Aznaourian, Շահնուր Վաղինակ Ազնաւուրեան ce français d'origine arménienne devenu vaudois dans les années 70.
Une interview par Pierre Desgraupes datant de 1961 en sa maison de Galluis pour l'émission 5 colonnes à la Une est édifiante. Ignoble.
L'homme de presse n'est évidemment pas à stigmatiser individuellement.
Il témoigne d'une époque rabougrie, pas encore bousculée par la vague rock, yéyé, soixantuitarde etc. Mais dont le rapport à "l'étranger"était et reste problématique.
On peut la relire dans le pavé biographique de Robert Belleret Vies et Légendes de Charles Aznavour Ed l'Archipel.
Ce qui frappe: le mépris, la morgue du journaliste.
France qui ne sait que faire de cet homme certes né à Paris mais que l'on tenait à décrire comme tellement différent.
En résumé, Aznavour, présenté comme ANORMAL (carrément !) " si moche, si chauve, si petit (oui 1,60 mètre et alors?) si étranger, si arménien, pas de voix" à la voix si rocailleuse" serait carrément handicapé selon Desgraupes. Ses chansons une confession !
Aznavour étant donc accusé de facto !
Sa "richesse" récente lui ayant permis de s'acheter cette maison est elle-même objet de commentaire!
Il est précisé une maison achetée en "8 ans"....Une fortune illégitime pour ce type venu d'on ne sait où, n'est ce pas, braves gens....
ô illustres commentateurs du journalisme de la Place Caniveau.
Extraits :
et le reste ...
Selon Michel Drucker Aznavour n'avait rien oublié des critiques terribles.
"Il s'est souvenu jusqu'au bout de l'accueil froid, blessant, parfois inadmissible, que les journalistes lui ont réservé à ses débuts. On l'a comparé à Toulouse Lautrec, certains l'ont insulté : Comment peut-on écrire des chansons d'amour quand on n'aura jamais de femmes dans ses bras. Ou encore : Vous comptez chanter, vous feriez mieux de faire de la comptabilité. Il se souvenait également d'un critique qui l'avait comparé à Quasimodo. Son physique et sa voix furent l'objet de quolibets et de moqueries. Aujourd'hui, avec les réseaux sociaux et l'amplification des petites phrases, personne n'aurait tenu aussi longtemps. Aznavour a travaillé, est parti presque deux ans au Canada pour apprendre son métier et est revenu plus fort. Mais il n'a rien oublié. Il a également été blessé de ne pas être associé à la bande des 4 de la chanson française : Brel, Brassens, Ferré et Ferrat. Il a eu sa revanche en vendant plus de disques qu'eux et en réussissant une éblouissante carrière internationale, mais il n'a pas non plus digéré cet affront. »
Aznavour n'a jamais digéré le traitement qui lui fut infligé en version morgue journalistique.
Il a vendu 180 millions de disques, écrit 1200 titres, chantait en toutes langues, s'exportait. Premier à oser chanter l'amour...charnel.
Chants d'amour bouleversants, qui donneront vie à la parole des sans-voix.
Ce qui est pas mal pour ce soit-disant ...non chanteur, petit moche, à la voix rauque, rocailleuse, incapable de sublimer l'amour. On en passe et du pire.
Combien de chanteurs a-t-il pris sous ses ailes (Johnny !) , combien de succès des autres dont il était le parolier.
Aznavour tient de notre patrimoine mondial. Chapeau l'artiste.
Sylvie Neidinger