Vous savez à quoi il sert le jet d'eau ?
A vous poser l'identité de Genève comme une tour Eiffel aquatique ?
Une simple soupape de sécurité hydraulique ?
Un attrape-touriste sur tous les dépliants qui vantent la ville ?
Un sympathique monument éphémère?
Le jet focalise effectivement tous les regards.
Le jet concentre toutes les attentions. Un symbole. Un drapeau. Un emblème. Une star.
Au centre du bout du Léman. Lui même centre urbain.
Précisément sur le lieu stratégique où un lac tranquille redevient Rhône furieux pour fuir vers d'autres cieux méditerranéens.
Où les eaux paresseuses qui se la sont un temps coulées douce doivent se remettre dare dare à la turbine...A leur plus grand regret.
Personne ne boude son plaisir, par forte canicule, d'aller s'y rafraîchir.... Par là, de tester le bizarre micro climat auto généré sous le panache. Avec les vents issus des curieux déplacements de ses propres masses d'air.
INVENTION DU JET D'EAU POUR...
Malins, les genevois ! Ils ont inventé un jet d'eau totalement centralisateur d'attention. Point de focale massif. Internationalement reconnu.
Comme pour mieux "protéger", laisser tranquille ...l'essentiel de la Ville !
1-Protéger en premier lieu celui qui repose en paix au cimetière des Roi en sa dernière demeure: Jean Calvin, le "coeur battant" de Genève, la Rome calviniste.
Pas de mausolée, ni de gros gâteau superfétatoire tout de marbre monté. Pas de panthéonisation architecturale. Pas de Chantilly de Carrare.
Pour dire vrai, ce cimetière également nommé de Plainpalais, panthéonise un peu tout de même. Puisqu'il reste dédié aux personnalités remarquables de Genève.
Mais dans la discrétion.
L'extrême simplicité de l'extraordinaire tombe... végétale -donc vivante- du réformateur n'empêche pas sa présence certaine.
A l'accueil son nom est bien inscrit sur un listing à l'allure si contemporaine.
Bizarrement moderne: cela ressemble à un listing d'entrée d'immeuble.. pour une date d'inhumation ancienne d'un demi millénaire !
La présence évidente de Jean Calvin est affirmée.
Jehan "Cauvin" du nom de ses parents est né à Noyon en Picardie un 10 juillet 1509 et décédé un 27 mai 1564. Il a lui même latinisé son nom en Calvinus.
Il repose paisiblement et ne fait pas l'objet de visites intempestives. Souvent solitaire quand on y passe.
Pas de barnum touristique telles ces bizarres déambulations au Père Lachaise à Paris, cimetière intégré dans les circuits de Tour Operators.
2-Malins, les genevois le sont une deuxième fois !
Ils indiquent un lieu précis de sépulture (707 E8)
Mais signalent ensuite que l'emplacement exact est... inconnu. Ou que la tombe serait vide.
Ces infos non seulement évasives mais contradictoires ne sont pas dans les habitudes de la Cité ! Il y a anguille sous roche (lémanique)...A découvrir.
Sachant que Genève est absolument la "patrie de la mesure précise voire exacte"( mesure horlogère du temps, mesure des chiffres bancaires, mesure des rochers du Niton) cette imprécision étonne. Pas logique de prime abord. Pas local. Il faut comprendre !
3-On trouve finalement une réponse acceptable.
Confirmée sur le site InterroGe : pas de localisation pour éviter l'instauration d'un culte mortuaire. Dans la logique de la simplicité de la Réforme.
"On peut lire dans « Le vrai visage de Calvin » de Jean Rilliet http://data.rero.ch/01-0436431 que « l’ensevelissement se déroula au milieu d’un grand concours de peuple, avec la simplicité souhaitée par le Réformateur. Le cercueil de bois fut porté au cimetière de Plainpalais [...] Aucun monument funèbre ne signala la place où reposaient les restes du serviteur de Dieu. ».
On ne sait donc pas exactement où dans le cimetière de Plainpalais (aujourd’hui cimetière des Rois), Jean Calvin fut enterré. Ceci a été décidé afin d’éviter tout culte à Jean Calvin (tel celui porté à un saint) et d’assister à un pèlerinage sur sa tombe. Le texte de Théodore de Bèze « L’histoire de la vie et mort de Calvin » le confirme : « Il faut cependant canaliser la piété spontanée de la foule, éviter les débordements de la multitude. La mort doit conserver son mystère. » et encore « Mais pour obvier à toute calomnie, il fut enseveli ... comme aussi il l’avait ordonné, au cimetière commun, appelé Plainpalais, sans pompe, ni appareil quelconque, là où il gît aujourd’hui ».
Comme on peut le lire dans « Une visite du cimetière de Plainpalais » de Patrice Rossel, au XIXe siècle, même si l’emplacement exact de la tombe de Jean Calvin est inconnu, une pierre tombale fut ajoutée pour marquer la tombe traditionnellement considérée comme étant la sienne http://data.rero.ch/01-1945054 ou http://bit.ly/19MmHvL."
Par ce texte se visualisent les raisons de l'imprécision totalement mesurée au micron près de la part des autorités genevoises qui décidèrent volontairement d'un lieu... indéterminé.
Pourquoi cette option?
Je propose cette explication: si ce geste de discrétion témoignait bien de l'esprit de la Réforme (qui réfute tout culte de la personnalité, toute sanctification) il courait paradoxalement un autre risque. Car, dans l'autre sens, cette "disparition du tombeau" faisait prendre à Jean Calvin carrément le risque d'une dimension gigantesquement ...christique !
Une orientation évidemment non souhaitée.
La voie médiane a été sagement retenue. Jean Calvin est peut-être là ou peut être pas.
Diplomatie !
ESPRIT DE GENEVE
Trois fois malins, les genevois...En étant là sans être là, Jean Calvin est finalement....partout dans la ville ! Sa pensée, son mode d'être.
Certes, il ne compose pas à lui seul l' "Esprit de Genève...". Mais y participe amplement.
Et je vais vous faire une confidence: cet esprit actif bouge, virevolte....
Hier il montait la garde devant l'Opéra. Face à l'Uni Bastions, le Mur de la Réformation, aux pieds de l'Etat de Genève par la rampe de la Treille.
Bien vivant : il chantait à tue-tête !
Sylvie Neidinger
Crédit images photos Neidinger et capture écran site web pour le plan