Quel Kafr Nahum ou Capharnaüm...Le troisième film de Nadine Labaki, primé à Cannes en 2018 en standing ovation intéresse. Ici: la bande annonce.
Après le visionnage, l'analyse a changé du tout au tout. Négative au départ, totalement positif in fine.
A) Phase négative: Dans la salle, une crispation face aux longueurs, l'absence de respiration, la misère filmée de façon hypertrophiée, en accumulation, le langage incroyablement vulgaire des parents ici aussi en accumulation irréelle exagérée. Plusieurs critiques vont en ce sens: un film sentimentalo-pleurnichard, insupportable sirop, à l'humanisme exhibitionniste.
Misérables: le comparatif est fait avec la littérature du XIXème mais avec forte critique sur cette façon esthétique, voire sa caméra en mode publicitaire : esthétique misérabiliste.
Les critiques légères évoquent un gentillet film de "bonne intention". Les pires insultent: un film "dégueulasse" dit un certain Xavier Leherpeur (Note de la blogueuse. Je laisse exceptionnellement passer l'insulte au sens où le film lui même est donné dans ce registre d'une façon lourde)
La conclusion a priori donnée par la réalisatrice en fin du film est abominable du point de vue démocratique: que les pauvres ne fassent plus d'enfant !!
La scène du Tribunal lors du procès que l'enfant qui n'a pas de papier mène en reprochant à ses parents de l'avoir fait vivre dans ce contexte va en ce sens.
Pas d'analyse politique ...directe non plus.
B) Phase d'interrogation. Constat les libanais se précipitent en salle ! Ils ont largement vu le film. Ce qui est rare dans le contexte de crise. Beaucoup en parlent en positif. C'est une info importante. Le peuple dont Nadine Labaki filme les oubliés des bas-fonds accueille "Capharnaüm". Cela donne obligatoirement à réfléchir !
C) Phase positive. Rappel. Nadine Labaki est une réalisatrice de fiction, pas un reporter de guerre ni photo-journaliste.
Dès lors, son acte créatif d'artiste est libre. Elle fait bien ce qu'elle veut. C'est filmé à hauteur d'enfant. Les longueurs lorsqu'il se retrouve seul et avec le bébé? Et alors ? La vie au Liban s'écoule lentement. C'est raccord. Le fait d'être sans plan de coupe, sans respiration fait en plus ressentir au spectateur le poids que doit supporter cet enfant. La longueur du temps pour lui avec un bébé dans les bras.
MAGISTRALE DENONCIATION EN.... CREUX
Capharnaüm n'est pas un film-sirop mais arak ! Il dénonce en creux. Certains ont bien vu dans le film un exemple de l'impuissance publique:"Quant au Liban, dont les pouvoirs politiques et l'impuissance publique sont clairement dénoncés par le film, on peut au moins se féliciter que le débat soit lancé. En guerre ou en crise depuis 1975, ce petit pays multi-communautaire a accueilli 1,5 million de réfugiés syriens depuis le déclenchement de la guerre civile chez son voisin. C'est un quart de la population totale du pays du Cèdre. Cela provoque d'importantes tensions humaines et sanitaires."