L'Avenir de Genève n'est pas un nouveau parti politique.
Juste le titre du cliché monumental que Peter Knapp, célèbre photographe suisse a spécifiquement produit pour Genève à l'occasion de son expo 2014 à Penthes intitulé "101 regards sur les femmes" : un mural de huit futures mères, enceintes aux derniers mois de grossesse.
Son 101 ème regard en fait, posé sur la femme lémanique. Car dernier hommage en date de la part de cet artiste inclassable dont la vision a accompagné le siècle: 50 ans de créations ici exposées.
Le fameux directeur artistique de Elle dans les années 50 participa à structurer par l'image une femme libre en gestation de modernité. Graphiste au départ, il fut proche du mouvement Bauhaus lors de ses études de design à la Kunstgewerbeschule de Zurich. Il introduisit la typographie suisse à Paris
Knapp a fait entrer la "seconde moitié de l'humanité"dans son objectif sous toutes les coutures. Elle est carrément une Femme Design-ée dans ses années Courrèges, Mugler, Cardin, Ungaro, Alaïa...Désormais dévêtue et démaquillée.
A la question que j’eus la chance de pouvoir lui poser directement le 11 octobre dernier " de toutes ces propositions, quel type de femme il préférait ?" sa réponse fut directe sans un seconde d’hésitation: assurément les dernières photographiées, les femmes naturelles, sans artifice, sans habit, dans le plus simple appareil.
Puisque pour son expo du bord du lac, il réussit à convaincre huit genevoises au ventre déjà très bedonnant de poser ...nues !
La démarche est un même happening artistique puisque les prénoms des enfants-tous nés entre temps évidemment - furent affichés.
PETIT CAILLOU....
Mais patatras...un petit caillou s'est glissé dans cette mécanique créative.
Elles ne sont pas toutes venues lors du vernissage, bébé dans les bras pour poser sous l'immense photo à taille humaine. Ce qui n'est pas grave du tout.
Le gros caillou, c'est le fait que trois sur huit ont refusé tout usage de cette photo en reproduction. Elles ont accepté de poser un"one shot" qui leur suffisait. Leur choix absolu. On peut imaginer la difficulté du regard social suite à ce dévoilement de nudité...
Mais difficile à gérer, visiblement pour l'artiste !?
Le maître- photographe, tout content tout de même d'avoir réuni huit représentations de corps en gestation n'avait probablement pas fait signer des contrats précis d'engagement de parutions ?
Résultat : l'Avenir de Genève est imprimé, rayé de grandes verticales noires dans sa forme publiée dans le catalogue d'expo (isbn 9782884746830) pour éliminer les réfractaires de la reproduction papier.
Le résultat bizarrement ...enferme les cinq femmes nues et volontaires derrière de lourds barreaux de lignes verticales qui cachent trois mères ayant refusé que leur image soit publiée.
Ceci dit, à observer plus profondément, il semble que la rayure, la griffure soit un leitmotiv de cette oeuvre artistique. Un fondamental. Que se cache-t-il derrière ces lignes certes élégantes?
FEMMES OISEAUX ...ENCAGES !
La première réaction est de comparer les rayures si visibles de L'Avenir - si rageuses et si noires !- à la série Knappienne dite des "femmes griffées" des années 90 baptisée les "Ex-Photos."
Exit les femmes, Peter Knapp rature les clichés: une période de sa vie.
Le seconde réaction est de dire qu'une autre solution graphique pouvait être choisie respectant le refus féminin. [Il en faut du courage social pour poser nue dans sa bonne ville !]
Point de vue de simple blogueuse: j'aurais, moi, totalement intégré le fait que trois femmes aient choisi de ne pas continuer l'aventure sur un mode démultiplié de papier glacé dans un livre. Et positivé.
J'aurais fait une découpe des silhouettes et choisi le blanc à la place pour marquer le choix de l'absence fait en toute liberté par ces genevoises. Leur corps leur appartient. Leur image aussi.
Mais il s'agit bien de Knapp un géant de la représentation de la Femme.
Qu'a-t-il voulu exprimer par ces sombres colonnes qui masquent ?
A bien regarder le catalogue de son oeuvre complète, on constate que la thématique de la rayure noir/blanc est omni-présente.
Voire par moments de la griffure rageuse qui efface la femme.
Dans le passé avec la série OpArt (1965-1969) ou autres au présent: la constante graphique du catalogue 2014 avec des.... rayures à tout bout de champ.
En fait l'idéal de l'idéal de la femme "knappienne" ne serait -il pas une pluralité de femmes simples, naturelles, nues dans un cliché coloré mais rayées de noir. En d'autres termes, des genevoises libres de leur mouvement et libres de leur corps... tendance Courrèges ?
REFLECHIR SUR LES RAYURES DE KNAPP
L'historien de l'art, dans ses futures études ne pourra faire l'impasse du lien entre la femme et la rayure chez Knapp, l'imperfectionniste perfectionniste.
Comme ici, des femmes libres en mouvement...dans une carène de bateau !
Paradoxalement libres de mouvement mais enfermées derrière des barreaux, des griffures, des rayures.
La femme de Knapp finalement est un oiseau, colibri dans sa cage désormais libre, légère comme l'air. Elle vole....Enfermée dans l'imaginaire de l'artiste.
Comme à Genève où bizarrement sur le papier du livre d'expo, les ventres arrondis sont bien soit rayés soit encagés...
La femme de Peter Knapp est finalement un peu sa prisonnière !
Sylvie Neidinger
Blog-Série n°10 Pulsion de Genevie la FEMME du #BlogNeidinger
2-Gen'Eve
3-Anecdote sur les rayures de "L'Avenir de Genève"
4-Bruno Toffano, photographe de la Femme Onirique
5-Robert Montgomery pour la Saint Valentin de Barbara
6-Genève: 10 000 roses pour une Valentine
7-Madame le Sautier du Grand Conseil
8- Something Devine: femme rock flamboyante
10-Margy Kinmonth révèle son film sur le célébrissime Ermitage
11-Henriette d'Angeville, pionnière du Mont Blanc, première alpiniste
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