Sémiologie politique. Ces histoires de bésicles ne devraient pas faire la Une. François Hollande a changé ses montures le 14 juillet dernier pour son discours à la nation.
Cela semble tenir de sa vie privée, de sa totale liberté que de vêtir ce qui lui plait.
Toutefois il est Président de la république, position unique en son genre.
Un lunetier hexagonal lui a immédiatement rappelé que ce n'est pas très patriotique d'avoir choisi un modèle danois.
Le problème réel ne réside pas ici. Commercer avec le Danemark est légal semble-t-il...
Les lunettes ressemblent à celles de Jacques Chirac !
Certes, il n'y a pas mal à penser en premier lieu. Les deux hommes se connaissant par le lien de la Corrèze s'apprécient. De nombreuses personnes portent ce modèle évidemment au delà de ces deux personnages publics. Sauf que ce changement précis a été choisi dans une... optique claire de communication politique. Ce qui autorise à commenter.
Jean Christophe Cambadélis, n°1 du PS qui a fait le Service après vente de l'intervention du 14 dernier dans les médias confirme bien qu'elles sont "un peu chiraquiennes" ! Le Président va jusqu'aux costumes plus larges et les cheveux noirs plaqués en arrière.
" Un peu chiraquiennes" Une telle phrase n'est pas prononcée au hasard. Elle entre dans une communication politique intentionnelle. Elle a d'ailleurs immédiatement été ressentie comme telle puisque Valeurs, journal très droitier- au point d'être anti-chiraquien- signale la chose. Il applique au passage le même le terme de "fainéant" -avec lequel les adversaires sarkozistes qualifiaient Chirac- à l'actuel président.
Alors clarifions l'intention lourde de sens (au pluriel) derrière l'usage de ce nouvel équipement nasal.
Adopter le look Chirac pour gagner vers soi une part de la popularité - très importante encore à ce jour - de l'ancien dirigeant, c'est intégrer quelqu'un d'autre que soi- même à sa propre enveloppe corporelle.
Un acte extrêmement inquiétant :
1) cela signifie que le numéro Un d'un pays- celui qui en a la charge- est tellement peu sûr de son image personnelle-donc de sa personnalité- qu'il peut en changer facilement ? Et, curieusement pour choisir celle de son... adversaire de toujours, Jacques Chirac que le tout jeune François Hollande était allé volontairement défier sur les terres corréziennes en début de carrière.
2) la futilité de la démarche décrédibilise. Car porter quelques grammes de plastique et de verres nouveaux pour "faire président" rend la démarche très superficielle. On est même dans le comble du comble de la superficialité d'une communication politique. Aussi futile que l'affaire Léonarda.
INQUIETANT DE VOIR LE PREMIER DIRIGEANT D'UNE NATION SE GLISSER DANS LA PEAU D'UN AUTRE : IL NE SE SUFFIT PAS A LUI-MEME? QUID DE SA POLITIQUE ALORS?
De plus ce n'est pas la première fois que François Hollande se glisse dans la peau d'un autre carrément opposé. Ce qui justifie cet article.
On pense à la curieuse, bizarre, machiavélique affaire Hollande/Caton datant des années 80: quand il a joué masqué et caché mais pourtant devant les... médias à être un journaliste de... droite.
-"Faire Chirac" pour "faire plus à droite"? On peut concevoir que le président Hollande confirme ainsi par le message des lunettes son orientation sociale démocrate. Il suffit de voir l'offensive actuelle de la gauche de sa gauche, jusqu'à ses... propres ministres (Montebourg et Hamon) qui s'insurgent pour constater qu'il a autant de soucis avec son opposition que son propre camp. Avec les nouvelles lunettes "à la Chirac" il confirme son choix de Manuel Valls comme 1er ministre, marqué à droite du PS (c'est à dire au centre voire plus à droite) Vu sous cet angle le message politique volontairement diffusé est clair.
- "Faire journaliste ? On sait que F Hollande a tâté du journalisme au début de sa carrière. Il en est toujours très friand. Il n'a pas hésité, étant Président, donc normalement indépendant, à manger carrément le 5 août 2013 avec les journalistes du Monde dont les actionnaires sont politiquement ses proches. Ce que les anglo-saxons n'auraient pas toléré. Il fut compagnon d'une journaliste : Valérie Trierweiler.
Journaliste? On le voit au cours de sa pratique politique: il commente beaucoup son action, soit par discours (très nombreux au point que personne ne l'écoute plus) soit directement devant les médias.
Certains discours sont creux car il n'annonce pas des mesures mais verbalise "en commentateur médiatique ". De mauvaises langues diront qu'il "commente les décisions qui ne sont pas prises" ou "pas encore mises en oeuvre". L'Allemagne a récemment vertement répondu "non" à sa demande d'assouplissement économique; la demande étant qualifiée de trop "générale"...Quelquefois, il martèle à plusieurs reprises les termes "aller de l'avant" mais sans dire comment !
SE STRUCTURER PAR L'AUTRE EN OPPOSITION
Au delà de se muer dans la peau d'un éditorialiste qui parle beaucoup, l'affaire des lunettes chiraquiennes apporte un éclairage de personnalité encore plus précis.
Son père, George Hollande proche de l'OAS fut candidat sur une liste d'extrême-droite en 1959. Lors de son élection François Hollande a eu cette phrase très belle et significative à son encontre. Il a remercié son père d'avoir été ce qu'il est ( cf d'extrême-droite) pour que lui se construise.... en opposition (de gauche). Une parole très révélatrice. C'est donc "l'autre" qui le fabrique parce que l'autre EST et pas par ce que lui choisit d'être !
D'où la personnalité très dialectique et insondable du maître de la synthèse au PS.
En campagne, on a pu remarquer qu'il pouvait en très peu de temps dire une chose et son contraire. On a effectivement entendu des phrases uniques qui portaient en elle la thèse et l'anti-thèse!
Opposé à Sarkozy: Hollande a passé le début du quinquennat à se positionner par rapport à son ancien adversaire pour surtout ne pas être un Sarkozy bling-bling: il fut donc "Monsieur Normal". Il a même démonté ce qu'avait installé son prédécesseur jusqu'à ce qui fonctionnait (les heures sup défiscalisées etc.)
Sur Gaza, bien que portant les nouvelles lunettes il a eu récemment deux avis opposés en quelques jours. Sur la Syrie, son gouvernement a pris position pour les jihadistes (il a fait livrer des armes aux fondamentalistes) et le contraire maintenant. Girouette.
Une chose est certaine, la politique internationale de F Hollande est totalement à l'opposé de la stature chiraquienne, dernier héritier du gaullisme.
Une politique très onusienne, indépendante, soucieuse du droit international et des partenaires alignés et non alignés. Et qui se décline encore aujourd'hui dans une Fondation Chirac pour la Paix et la prévention des conflits
Les lunettes ne font pas le Chirac.
Sylvie Neidinger
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