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baas

  • Michel Aflak est mort trois fois !

     Le chantre du nationalisme arabe est décédé à trois reprises ! Une première fois le 23 juin 1989 à michel aflak,nationalisme arabe,baas,usa,printemps arabeParis de sa belle mort, à l’hôpital militaire du Val de Grâce.

    La seconde a lieu en  2003 à Badgad  par les troupes américaines qui viennent d’envahir l’Irak. Sa sépulture est volontairement profanée sur ordre du gouverneur  Paul Bremer- voire de ses supérieurs ? Le mausolée rasé, la statue endommagée, les archives  détruites.

     La troisième fois, en cours… avec ce « Printemps arabe » qui prend le contre- pied idéologique du nationalisme arabe théorisée par l'intellectuel, homme politique, Michel Aflak et ses compagnons.

    L’affaire de  la tombe vandalisée, de la dépouille détruite et probablement disparue  avait scandalisé  le monde arabe  à l’époque. Uniquement lui.

    Quel besoin avait l’armée la plus puissante au monde  de s’attaquer à de pauvres ossements, dans un acte rare d’irrespect ? Quel "symbole à abattre" représentaient ces reliquats d'homme?

    Finalement, cet acte daté de 2003  s’éclaire dans le contexte géopolitique actuel. Voire, il offre une clef majeure de compréhension des événements apparemment confus qui agitent  la région, dans la droite ligne de la doctrine Bush de reconfiguration du moyen-orient.

     Qui est-il? Michel Aflak est tout simplement le théoricien  du  Baas,   le parti de la résurrection arabe (lire  article documenté de Philippe Conrad, directeur de séminaire au Collège Interarmées de Défense)

    La Syrie généralement considérée comme « cœur » du monde arabe  est très certainement au cœur historique du nationalisme du même nom.

    Michel Aflak nait en 1910 dans la communauté orthodoxe damascène,  d’un père déjà nationaliste, opposé à l’empire ottoman puis aux français au sein du Bloc National fondé en 1928.

    Ce mouvement de rébellion active fait suite aux idées avant-gardistes de la « Nahda » produites au XIXème siècle au sein de la diaspora égyptienne par des intellectuels libano-syriens, souvent maronites.

    La  « Nahda= renaissance »  intervient au départ  comme prise de conscience "face à" et "grâce à" l'Europe, de la nécessaire modernisation des sociétés arabes: écoles,  séparation de l'État et de la religion,  libération féminine, égalité de traitement confessionnel etc.

    michel aflak,non alignés,usa,israel,egypte,baas,nationalisme arabe,printemps arabeEn 1942, Michel Aflak, intellectuel chrétien,  jettera les bases d’un parti nationaliste panarabe dit de la « résurgence », le Baas. Ce, avec son ami  Salah Bitar, sunnite d'une famille  pieuse de Midan (quartier de Damas) rencontré à la Sorbonne, puis plus tard avec Zaki al Arzouzi, un alaouite d'Alexandrette né à Lattaquié, initiateur du "Club de l’arabisme".Tous ces politiciens, écrivains, philosophes, professeurs  ayant Paris en commun.michel aflak,non alignés,usa,israel,egypte,baas,nationalisme arabe,printemps arabe

    Au congrès fondateur du Baas en 1947, son discours : « une seule nation arabe, de l'Atlantique au Golfe. Les Arabes forment une seule nation ayant le droit imprescriptible de vivre dans un État libre. Les moyens de la résurrection sont les suivants : l'unité, la liberté, le socialisme"

    Il va sans dire que cette théorie politique se pose contre la création de l'Etat d'Israël (1948) et de ses développements. Tous ces idéologues participeront activement à des combats. Pour finir, le parti Baas se déclinera dans les Etats voisins de l'Irak et d'Egypte. Une éphémère RAU ," république arabe unie" unissant Egypte et Syrie verra le jour en 1958. Elle sera vouée à l'échec.

    Michel Aflak doit s'exiler en 1966 de son pays suite au coup d'Etat par des officiers marxistes dont le général  Salah Jedid. Il critiquera cette prise de contrôle des militaires. S. Jedid orientera clairement le pays dans l'axe soviétique. ll sera débarqué en 1970 par son ministre de la défense Afez el Assad.

    BASES DE SA THEORIE POLITIQUE NATIONALISTE ARABE:

    Aflak rejette le capitalisme tout comme le marxisme (car athée et  matérialiste) Il entend  construire un socialisme ... arabe:« Il n'est pas difficile pour les Arabes, s'ils se libèrent du cauchemar du communisme, de découvrir un socialisme arabe émanant de leur âme, au service du nationalisme arabe et comme facteur essentiel de sa résurrection" (1944 Aflak et Bitar)

    Ses bases de réflexion se nomment arabité, nationalisme, socialisme ( surtout pas communisme ni marxisme !)  laïcité (certes "orientale") et islam non politique.

     /Arabité exacerbée comme recherche du "plus grand dénominateur commun "dans le cadre des sociétés pluri-confessionnelles proche-orientales.

     Toutefois, ce concept d'arabité si cher au nationaliste  damascène est un des plus  difficiles à définir puis à  manipuler car toutes les minorités ou confessions du proche-orient ne sont pas forcément  arabes. Et, par ailleurs,  tous les  "vrais" arabes ne se définissent pas  obligatoirement comme tels- au Liban par exemple !!

    De plus, arabe ne signifie pas forcément  "enfant du désert, du sable et de la tente" ! Car l'urbanité arabe est parfaitement identifiable (ex :Damas et ses maisons dites " arabes" qui tournent autour d'une cour, d'un bassin  et d'un jardin de roses, abritant une famille élargie)   

    La définition la plus simple : arabe =" sémite et locuteur de langue arabe". Point barre !

     /Nationalisme. Les Etats Nations arabes, souverains et puissants  se créent dans le sillon des Indépendances  alors que des enjeux géo-stratégiques (autour d'Israël, autour de Suez, passage si vital pour le commerce mondial) et des ressources pétrolières, gazières sont majeurs pour les super-puissances. Cela  va, quelque part, gêner les occidentaux.

    En outre ces Etats nationalistes restent un front du refus à toute initiative d'avaliser les frontières israéliennes de 1967. Ils réclament invariablement l'application du droit international (la fameuse résolution 242 de l'ONU) et invariablement le concept de "Paix contre territoires occupés en  1967".

    /Socialisme. La Syrie se nomme officiellement "République  Arabe Syrienne" et le parti Baas dénommé "arabe socialiste ". L'Union Soviétique puis la Russie reste  sa  sphère  relationnelle privilégiée  en matière militaire notamment (formation des cadres, armement, accueil de navires à Tartous) suite au coup d'Etat de 1966 par un militaire baasiste opposé aux fondateurs (Aflak et Bitar) qu'il chasse, Salah Jedid, pro-soviétique.

    Laïcité... toute orientale et originale : une superstructure laïque... basée sur des fondements confessionnels !

    Oui, la Syrie est laïque mais d'une manière particulière,  tout comme l'était la pensée de Michel Aflak!  

    Le "Pays de Sham",  Bilad el Sham possède une superstructure laïque: sa Constitution ne fait pas référence aux lois religieuses du type charia, la mention de la confession a disparu des cartes d'identité sous Hafez el Assad. Des lois - pas forcément appliquées-interdisent le voile dans les écoles et les Universités.

    Mais cette" laïcité non athée" (complexe ) chapeaute un système confessionnel traditionnel : dans ce pays, on ne peut que se voir inscrit à la naissance  sur les listes d'une communauté (toujours celle du père). Chaque communauté /confession gère ses ouailles suivant les règles qui lui sont propres. Ce qui rend l'Orient compliqué à celui qui ne sait le décoder et le pratiquer. Résumé: une loi laïque non athée globale s'applique en même temps que des lois confessionnelles et/ou communautaires aussi diverses les unes que les autres.

     L'Islam n'est absolument pas négligé dans la pensée de Michel Aflak. Il considère que cette religion est une composante majeure de l'identité arabe.  D'ailleurs, la règle de la Constitution impose en Syrie, république... laïque un Président musulman. Sauf que  la laïcité  prônée par le Baas  évacue la notion d'islam politique.

    Conclusion : Les grands  Etats arabes  qui se structurent lors des  indépendances post coloniales et/ou post monarchiques  vont puiser à l''eau  des théories nationalistes affinées (particulières au contexte local) de Michel Aflak. Et de fait, se retrouver le plus souvent  dans le camp des  non alignés, proches de la sphère soviétique. Toujours  très soucieux de leurs  limites territoriales et des prérogatives souveraines.

    On comprend mieux pourquoi l'armée Us  détruit le mausolée Aflak et la dépouille dès ses premiers mois de présence en Irak. Ces grands Etats arabes indépendants, nationalistes de type laïc ont l'heur de se trouver, on le répète, dans " l'autre camp".

    Les syriens se reconnaissent dans une syrianité  historique (anté-biblique et biblique, califat  omeyyade des années 750 ) Egalement dans une syrianité nationale sinon nationaliste qui transcende l'extraordinaire mosaïque humaine de sa vingtaine de confessions/communautés.

    Aujourd'hui, avec le "Printemps arabe", une guerre civile fait rage pour remplacer apparemment un Etat nationaliste laïc mais non athée par un islamisme politique  pro-occidental: la troisième mort de Michel Aflak?

     Sylvie Neidinger

     

    Série Surya sur blog TDG "neidinger" :

    Article 1-Baal Hadad lance ses foudres en Syrie.

    Article 2-Le printemps néo-colonial arabe

    Article 3- Clinton-Israël en "intelligence amie". Les Etats Arabes le sont-ils?

    Article 4- Michel Aflak est mort trois fois

    -Un article spécifique sera consacré à la description  de l'extraordinaire mosaïque de la  population syrienne, si riche et si complexe.

     Abstract/résumé de "Michel Aflak est mort trois fois!"

    "La tombe de Michel Aflak est vandalisée en Irak en 2003 par l'armée US. Cet intellectuel syrien était le théoricien du parti Baas: arabité,nationalisme, laïcité (originale laicité non athée syrienne comme superstructure d'une société clairement confessionnelle) Le Printemps arabe tend vers  l'objectif   de supprimer les régimes nationalistes arabes issus des indépendances, en concordance avec la doctrine Bush de reconfiguration dudit monde arabe au profit  d'un Islam politique pro-occidental( prochain article).

    Trois  photos= capture d'écran sur le net. Michel Aflak, Salah Bitar, Zaki Arzouzi