La monarchie inhumait ses reines et rois à Saint-Denis, la république a son pendant: le Panthéon, lieu de réunion de dépouilles célèbres et surtout célébrées. Jean-Jacques Rousseau, Alexandre Dumas, Victor Hugo, Émile Zola, Jean Jaurès, Jean Moulin et André Malraux. Et beaucoup d'inconnus, des généraux napoléoniens par exemple, illustres méconnus aujourd'hui.
Le Président de la République a le privilège de décider d'une introduction nouvelle au Panthéon. Aujourd'hui Maurice Genevoix, écrivain, "voix de ceux de 14-18"
Simone Veil et son époux en accord avec la famille avaient précédemment bénéficié de cette cérémonie très régalienne et symbolique ."Un an après sa mort, Simone Veil entre dimanche avec son mari Antoine au Panthéon, où ils reposeront ensemble. Pour l’occasion, l’Élysée et le Centre des monuments nationaux ont mis en scène une cérémonie solennelle forte en symboles, qui rassemblera un millier d’invités, dont les anciens présidents Nicolas Sarkozy et François Hollande."(La Croix 29/06/18))
Le Comte de Mirabeau fut le premier homme à entrer dans cette ancienne église reconvertie au culte laïc de glorification nationale, le jour même du décret vouant Saint-Geneviève au culte des Grands hommes français (femmes comprises..)
Attention la célèbre dépouille entre mais peut... sortir du bâtiment à colonnade! Etonnant: le Comte, devenu moins en odeur de sainteté révolutionnaire fut dégagé manu militari trois ans plus tard quand on retrouva sa correspondance avec le... roi! Marat subit le même sort: expulsé.
Problème : l'Etat français n'a pas toujours demandé l'avis des proches pour panthéoniser! Il a même pu imposer le déplacement d'un corps dans cette assemblée de dépouilles concentrées en un même lieu prestigieux dans la capitale.
Effectivement il transféra de force le coeur de Gambetta, la famille étant réticente, le corps de Louis Braille, laissant dans son caveau familial de Braille les uniques mains: hyper glauque !
Les dernières volontés des défunts n'ont pas toujours été respectées ! François Bayrou donne la justification officielle de cette lubie présidentielle !"«Il ne s’agit pas ici de relations personnelles, de l’affection ou des regrets que l’on porte à l’égard d’un être. Il ne s’agit même pas de cet être lui-même, avec ce qu’il a de grand et de relatif. Il s’agit d’un pays, et de son identification à une personnalité et un combat.»
C'est assez stupéfiant de comprendre qu'il ne s'agit pas de l'individu lui-même...Dans cette affaire les dernière volontés ne semblent pas si importantes...Plusieurs anecdotes en témoignent!
PANTHEONISER: UN RITE SURTOUT POUR L'IMAGE DU...PRESIDENT
Le dernier poilu Lazar Ponticelli a eu la chance de pouvoir refuser de son vivant. Au moins était-ce clair ! Il refisait tout net. Estimant que la reconnaissance des poilus fut bien tardive
Aujourd'hui les cas de refus par la famille se multiplient. L'épouse de Louis Pasteur par exemple lui préférant un lieu "plus humble"..
Certains présidents se sont tout de même arrogé le droit de décider en lieu et place de la famille.
Fort heureusement rapidement remis à leur place! François Hollande ignorant les dernières volontés de Geneviève Anthonioz De Gaulle et Germaine Tillion avait annoncé leur transfert! Ce passage en force n'a pas fonctionné, fort heureusement.
Le journal la Croix se demande même si la Panthéonisation a encore un sens ?
Le fils de Albert Camus a refusé tout net lui aussi face au Président Sarkozy de ce qu'il a nommé une récupération. L'écrivain reste inhumé en Provence.
Selon l'historien Jean Garrigues ( pro-panthéonisation!): " la panthéonisation est un rituel mémoriel particulièrement adapté aux besoins de la France d’aujourd’hui. Car elle réactive le récit républicain autour duquel cette société multiculturelle ne parvient pas toujours à trouver son point de fédération. Au XIXe siècle, les panthéonisations se rattachent plutôt à l’histoire de la Nation française. Sous l’Empire ou les monarchies censitaires, on distingue ainsi des généraux qui incarnent l’excellence nationale. Mais le rituel est ensuite récupéré par la IIIe République. Celle-ci rappelle le moment fondateur de la Révolution française qui voit la transformation de l’église Sainte Geneviève en un édifice laïque. Depuis lors, ce temps mémoriel renvoie au récit républicain."
L'historien Patrick Garcia présente les faits sous un autre angle:
La panthéonisation, « un rite qui construit l’image du président »Depuis 1987, date de l’entrée de René Cassin au Panthéon sous François Mitterrand, le fait de décider d’un transfert au Panthéon est devenu un passage quasi obligé pour le président de la République. C’est une cérémonie d’incarnation de la Nation et tous les présidents s’y sont depuis livrés, ou ont essayé de le faire – Nicolas Sarkozy s’étant heurté au refus des héritiers de Camus. Ce rite construit l’image du président. En évoquant le passé, il lui permet de parler du présent et son choix est emblématique de ses orientations.
En fait, il s'agit d'une cérémonie à la gloire du... Président !
Actuellement la famille Rimbaud refuse fermement le projet de panthéoniser leur poête...en même temps que Verlaine. La République veut ici engager un acte idéologique en faveur de leur liaison personnelle. D'une part, la liaison ne dura que quatre ans. Rimbaud quitta avec fracas;
Quelle idée de vouloir imposer une vérité nationale sur cette histoire personnelle de relation homosexuelle?
La famille de Rimbaud refuse fermement ! de nombreux intellectuels aussi. Une pétition CONTRE circule en opposition à la pétition POUR promue par Roselyne Bachelot.
Il reste au Panthéon de l'espace 75 places occupées sur 300 environ, ce n'est pas la surpopulation ! C'est un honneur évidemment pour certaines familles. Un non sens pour d'autres: leur choix parfaitement démocratique de valider ou non!
C'est vrai que la perspective de voir ses os exposés dans les courants d'air glacé de ce monument parisien ne sied pas à tous. Albert Camus reste à Lourmarin et Rimbaud à Charleville-Mézières... si le souhait familial est respecté.
Sylvie Neidinger
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