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"Factions islamistes nationalistes
Officiellement d'inspiration laïque et nationaliste, l'ASL entend « travailler main dans la main avec le peuple pour atteindre la liberté et la dignité et renverser le régime ». Formée au début de quelques milliers de soldats, elle rassemble déjà en mars 2012 jusqu'à 60 000 « rebelles » réunis au sein de dizaines de groupuscules. L'Armée syrienne libre devient officiellement le bras armé du Conseil national syrien (CNS), principal représentant de l'opposition syrienne, basé à l'étranger. Pourtant, loin d'être une armée rebelle centralisée, l'ASL se révèle être davantage un label. Sur le terrain, une myriade d'organisations, dont beaucoup d'inspiration islamiste nationaliste, voient le jour et combattent sous sa bannière.
« L'ASL est devenue de plus en plus représentée sur le terrain par de larges factions capables de façonner des dynamiques locales et provinciales », explique Charles Lister dans son rapport. À Deraa, où a éclaté la révolution, la « résistance » est assurée par la brigade Alwiyat al-Omari, du nom de la mosquée de la ville. Dans la ville de Homs, agissent sous l'étendard ASL les factions islamistes modérées Liwa Khaled Bin Walid et Kataib al-Farouq. Dans la capitale, les combats sont assurés par le groupe salafiste Liwa al-Islam. Au cœur d'Alep, combat pour l'ASL l'organisation islamiste Liwa al-Tawhid."(..)
Au fur et à mesure de leurs victoires, ces groupes, qui composent 50 % des forces armées rebelles, avancent leurs pions et commencent à faire de l'ombre à la direction centrale basée en Turquie. Qui plus est lorsqu'ils décident de se réunir, en septembre 2012, au sein d'une nouvelle alliance, le Front islamique de la libération, composée de 22 factions, mais toujours officiellement liée à l'ASL. L'Armée syrienne libre se voit également concurrencer par une organisation ouvertement rivale : le Front islamique syrien, formé de 11 organisations islamistes représentant 25 % de l'opposititon armée, dont les redoutables salafistes d'Ahrar al Sham.
Pour unifier les rangs de l'ASL, les pays du Golfe, la Turquie et les Occidentaux opposés à Bachar el-Assad, réunis au sein du groupe des « Amis de la Syrie », réunissent en décembre 2012 à Antalya quelque 260 chefs de groupes rebelles syriens, pour créer un Conseil militaire suprême (CMS). Dirigée par Salim Idriss, un général en rupture du régime, la structure vise à commander militairement toutes les activités des groupes combattant en Syrie pour le compte de l'Armée syrienne libre.
Pourtant, si l'Occident ne se prive pas de soutenir publiquement l'ASL, il ne lui a jamais réellement fourni de soutien militaire conséquent. En effet, la majorité de l'aide a porté sur des équipements non létaux (véhicules, moyens de communication, jumelles infrarouges...). Seule la CIA livrera, de manière indépendante, de petites quantités d'armes à des groupes triés sur le volet. « Nous n'avons pas suffisamment d'armes et de munition », se lamente en mai 2013 le général Salim Idriss. « Nous n'avons pas d'argent pour la logistique, pour l'essence des voitures (...) Nous ne pouvons pas payer les salaires. »
Rôle de l'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie
« Ce mouvement insurgé qui s'étendait organiquement avait besoin d'un soutien substantiel et centralisé pour atteindre l'objectif souhaité d'une vraie unité structurée », écrit Charles Lister. « Ce qu'il a obtenu au contraire a été un méli-mélo d'aide désunie, chaotique et nocive de l'Arabie saoudite, du Qatar et de la Turquie. En agissant indépendamment et souvent via de multiples réseaux indépendants se basant sur des contacts personnels, ces États régionaux ont contribué, malgré leurs bonnes intentions, au déclin de l'ASL. »
Sur le terrain, l'argent bénéficie surtout aux organisations d'inspiration islamiste, qui possèdent des relais dans les États du Golfe et en Turquie. Au sein de l'ASL, l'aide est dirigée vers le Front islamique de la libération. En dehors, elle alimente le Front islamique syrien, mais aussi le Front al-Nosra, branche syrienne d'Al-Qaïda qui se distingue de toutes les autres factions par son aspiration à un émirat islamique en Syrie. « Le fait que l'Armée libre n'ait pas réussi à s'unir dans une seule entité a ouvert la voie aux djihadistes salafistes », confie le commandant d'un groupe islamiste cité dans le rapport de Charles Lister.