La collision entre l’Art et la Science que l’artiste franco-québecoise a provoquée cette semaine- 24 juin 2015- en installant son œuvre picturale à Cessy est du pur bonheur, visuel, intellectuel, esthétique.
« CIRCULEZ » ...son œuvre conceptuelle est superbement placée sur le « bouchon » de Cessy, cette plate forme mobile du Cern-CMS qui, lorsqu’elle s’ouvre mène aux entrailles pour atteindre le fameux anneau de recherche, le LHC, Large Hadron Collider.
Pile à la verticale, en sandwich, entre le véritable détecteur CMS profond, le Compact Muon Solenoid, cette immense prouesse techno-scientifique et sa représentation vitrail accrochée en hauteur, à échelle réelle dans ce grand bâtiment cathédrale.
Cette installation picturale est le fruit d’une collaboration dans le cadre d’ art@CMS initiée il y a un an.
UNE IMPULSION NATURELLE DE.... 27 METRES
Brigitte Tessier, en visitant ces lieux avec des scientifiques amis (dont le chercheur Jean Fay) avait senti une impulsion naturelle.
Comme une évidence.
Un élan, une force, des choses à dire, un projet à mener.
Son idée artistique acceptée, elle y travaille depuis, en relation avec un scientifique-parrain, le physicien nucléaire Hugues Brun en dialogue fructueux.
Elle a conceptualisé son projet avant de le réaliser dans une logique imparable.
L’anneau fait 27 km. Son cercle à elle: 27 mètres.
Un bon chiffre. Concrètement divisé par trois cela fait 9 mètre: pile, la taille de sa pièce de travail. Pratique. Une tv avait filmé Brigitte en action créatrice, chez elle.
Personne semble-t-il n’imagine la quantité de problèmes matériels inédits qu’elle a dû résoudre.
A commencer par la recherche d'un tissu de cette taille et d'une pièce.
Elle a trouvé: de la toile de yourte, magnifique symbole s’il en est d’une humanité circulaire!! Mais nécessitant juste...quatre heures pour replier l'ouvrage le vendredi soir afin de laisser sa famille passer un week-end...normal.
C’est son anneau à elle, son moyen technique.
L’Histoire peut alors commencer, son récit, sa tapisserie de Bayeux... de Genève version infra nucléaire.. Ou comme on veut, son rouleau japonais emaki en mode physique des particules.
AU COMMENCEMENT ETAIT ...LA MAIN !
"Que la lumière soit et la lumière fut. Que le sec paraisse et cela fut ainsi".
La boule d'énergie nommée Brigitte Tessier se la joue genèse: "j'ai souhaité dérouler cette histoire" affirmait-elle ce mercredi 24 juin...
Au final une collision visuelle réussie entre la longue histoire humaine et celle, fort récente de la recherche nucléaire voire infra-nucléaire dont celle du Cern et Cms.
Cela commence par une grotte, comme métaphore-image de l'anneau souterrain qui s'agite précisément sous l'oeuvre. Soit, sous les pieds des visiteurs.
Les scientifiques "maison" ont imprimé collectivement leurs paumes sur la toile de l'artiste. La référence est anthropologique "la cueva de los manos" (Santa Cruz, Argentine)
Ode à la MAIN, cet outil majeur qui permit à l'homme par son pouce opposé devenu pince de prendre progressivement possession du monde rapidement, en quelques millénaires.
Humain supra prédateur qui aujourd'hui, bien loin du pouce originel tend à repousser l'infiniment petit et l'infiniment grand, à larges brassées.
Une main dont les doigts peuvent s'accrocher aux doigts d'une autre main comme l'atome s'unit à son alter ego et forme des chaînes.
La dite paluche pouvant former des cercles humains, d'amis, de réflexions, de tout...
La référence retenue ici: les danseurs de Matisse.
Cercles heureux, cercles endiablés. Qui peuvent mener au meilleur comme au pire: guerres et conflits.
L'artiste n'oublie rien, ni les sombres collisions issues de son trait long de neuf mètres.
La plasticienne termine son Histoire circulaire par un centaure mythologique et sa flûte de pan, qui affronte une sorte de magma cosmique, de tempête sidérale, de noire colère des dieux, de poussières d'étoiles, d'infra-nano particules électrisées.
De matière supposée informe et pourtant si structurée mais dont la logique n'est pas encore accessible à l'entendement.
De ce que chacun veut bien y voir, en fait.
LE MIXE ARTISTICO-SCIENTIFIQUE
Ma visite en ce 24 juin fut royale puisque en connexion avec un trio fort énergique et énergisant: Brigitte Tessier l'artiste, son parrain, Hugues Brun et Jean Fay qui me firent visiter en partie les entrailles du site industriel.
De cette heureuse quadri-collision toute en étincelles, j'en conçois- naïvement peut être- mes propres observations.
Et cela passe par des mot clefs: cercle, collectif, vide, lumière faisceau...
1- Le format circulaire prime: les planètes tournent à grande vitesse en usant leur surface, le temps d'une journée qui chaque matin repasse de 1 à 24 h est cyclique voire cylindrique, l'oeuvre de Brigitte Tessier tourne...
2-La vitesse prime
3-La terre tourne à folle vitesse mais le plancher des vaches semble bien stable et rassurant par son immobilité. De facto la sensation de l'univers par l'homme est partielle. Seule son imagination scientifique et ses expérimentations de physique des particules mènent à envisager d'autres systèmes si différents. Ceux justement que la plus débridée des imaginations n'est pas capable d'appréhender...."Et pourtant, elle tourne!"
4-Ne peut-on pas quitter notre mode de penser habituel statique qui considère le vide comme un contenant et les particules un contenu ? Et imaginer à l'inverse que c'est l'existence même des particules minimales qui par leur dynamique, créé...le vaste vide ?
5-Les physiciens me font part d'un résultat étonnant du LHC On le met en route et le nombre de collisions est restreint: de l'ordre de la vingtaine sur des milliers de particules. Etonnant ! On reste sans voix: comme ils sont bien organisés ces petits bosons, muons : à supra vitesse, dans un faisceau, ils "savent" s'éviter joyeusement !
"Savoir" ici est un verbe à ...approfondir.
6-"Le hasard, c'est Dieu qui se promène incognito"(Albert Einstein 1879-1955) Encore faut-il réussir à définir cette drôle de particule D qui semble à la fois exister et ne pas exister !
7-Tout est circulaire. Rien ne se perd, rien ne se créé. Cela tourne, cela revient au point de départ. Mais est-ce le même point de départ ? Tout est position dans l'espace-temps.
8-Il n'y a pas de temps linéaire, n'est ce pas ? C’est le mouvement qui créé le temps, non?
9- La force du collectif est un effet levier. Tel Atlas qui porte le monde sur son dos, cette force de la démultiplication par le collectif est compliquée à mesurer. Au Cern- CMS une publication est signée par 400 chercheurs. 1+1 ne fait pas deux mais bien dix!
10-Ce levier de démultiplication collective, cette "puissance" est l'énergie la plus compliquée à suivre, que ce soit pour nos petites vies humaines ou les particules les plus élémentaires.
Particules considérées comme fondamentales, essentielles.
"CIRCULEZ, IL Y A TOUT A VOIR"
Brigitte donne à réfléchir. Jusqu'à s'en donner le.... tournis !
Sylvie Neidinger
Brigitte Tessier est membre du groupe ARTMIXE, association de peintres et plasticiens grenoblois.