Laurent Fabius opposa ce week-end son veto aux négociations sur le nucléaire iranien. Les discussions ont achoppé à Genève ce samedi 9 novembre au milieu de la nuit.
L'aboutissement de la négociation était sérieusement en l'air puisque les chefs des diplomaties 5+1(Iran, Chine, USA, Russie, GB, France+ Allemagne) avait rejoint en urgence les négociateurs initiaux sur les bords du Léman: le secrétaire d'Etat américain John Kerry (interrompant une tournée au Proche-Orient) l'Allemand Guido Westerwelle, le Britannique William Hague et du Français Laurent Fabius. Le Russe Sergueï Lavrov et le Chinois, Li Baodong arrivés plus tard.
Une signature d'accord dit "provisoire" pour 6 mois, en vue. Annulée. Echec imputé au français.
La presse s'en fait l'écho par un vocabulaire guerrier : Fabius a torpillé l'accord (selon le fondateur de Rue 89 Pierre Haski ) ou Les raisons de l'échec.
Une volée de bois vert s'abat alors sur Laurent Fabius, issue du monde anglo-saxon et iranien principalement.
Il recueille en revanche le soutien "twittique" marqué du républicain Mc Cain -original vu le french basing habituel local- et de certains autres politiciens qui ont dit vouloir à nouveau goûter aux... french fries !
Une certaine impolitesse lui est même reprochée pour avoir "grillé"Catherine Ashton, la représentante de l'Union européenne en annonçant seul l'échec face à la presse.
Plus accusateur, un diplomate occidental en off : «Les Américains, l'Union européenne et les Iraniens ont travaillé de façon intensive pendant des mois sur cette proposition et ce n'est rien de plus qu'une tentative par Fabius de se donner de l'importance tardivement»
Un ministre des Affaires étrangères qui viendrait en quelque sorte jouer les gros bras, pour s'attirer l'attention médiatique...
*Dans cette affaire, L. Fabius n'agissait tout de même pas en solo mais au nom de F Hollande et de ses choix politiques.
*Cette intransigeance française sur le nucléaire iranien relayait directement la position israélienne, cet autre Etat -paradoxal-de la zone moyen-orientale qui possède un arsenal nucléaire civil et militaire important, ne veut pas en rendre compte devant aucune instance internationale (AIEA) Mais... demande à la communauté internationale de supprimer l'arsenal de ses voisins.
*L'inflexion pro-israélienne de la politique française ne date pas de l'actuel gouvernement. Sarkozy avait complètement liquidé la politique gaulliste, décimé l'autonomie gaullienne de la France qui a perduré jusqu'à Jacques Chirac. L'Hexagone a quitté avec le départ du Corrézien, sa position originale, hors Otan. Et avec lui, la politique traditionnellement suivie au Quai d'Orsay, illustrée par le refus de la guerre en Irak et du respect des Indépendances.
*Remarque annexe. Si, en politique intérieure, François Hollande marque d'une façon insistante son rejet de N Sarkozy, en politique externe, il est totalement, à 140 %, dans le même schéma !
*Les iraniens évidemment farsi et non arabes sont acteurs majeurs du proche-orient de part leur position géo-stratégique et leurs réserves. L'occident leur demande des comptes pour les problématiques de contrôle et de sécurité générale et pour la garantie de sécurité de l'Etat hébreux. L'Iran réplique par son droit au nucléaire tout comme son voisin et du même type de contrôle. Ni plus , ni moins.
*Les dés des influences sont globalement relancées par les occidentaux dans les pays arabes possesseurs d'hydro-carbures: invasion de l' Irak, bombardements de l'Otan en Libye, aide logistique aux rebelles en Syrie...Donc la zone pétrolière de l'Est a été détachée."Ils ne pensent qu'à ça"...
*L'Iran, perse et chiite, atteste du 4ème rang mondial des réserves prouvées du pétrole. Il dérange cette tri -coalition occidentale de la nouvelle diplomatie mondiale: le format"Otan +pétromonarchies islamistes+ Israël ". 1-Israël évoque le danger nucléaire (mais pas son propre arsenal... ) 2-les monarchies pétrolières sont engagées dans une guerre de religion sunno-chiite et soutiennent tout ce qui peut contrer l'Iran. 3-Les occidentaux s'intéressent aux hydro-carbures.
*A savoir, pour réagir à l'embargo, l'Iran a par exemple interdit l'exportation vers l'UE
LE PETROLE IRANIEN MANQUE AU MARCHE !
* Les hydrocarbures iraniennes manquent sur le marché mondial. Surtout avec la chute de production libyenne consécutive à l'anarchie locale installée par Sarkozy et l'Otan :"L'Iran reviendra à l'avenir sur le marché mondial du pétrole et du gaz, mais cela ne se produira pas de sitôt, estime le PDG de Royal Dutch Shell, Peter Voser.dans un entretien"Vous connaissez la situation concernant l'Iran. Ce pays fait l'objet de sanctions internationales, et il faut nécessairement trouver une solution politique à ce problème… J'estime néanmoins que l'Iran pourrait revenir à long terme sur le marché du pétrole et du gaz", vient de déclarer M. Voser à Londres lors de la conférence Oil&Money ce 1er octobre 2013.
En fait, son arrière pensée réelle est de comprendre: court terme !
* La nécessité de réintégrer l'Iran au concert des nations pétrolières exportatrices explique la réunion de Genève et l'empressement américain en vue d'un accord.
*D'où l'originalité des positions politiques proposées ce week-end. Car habituellement, les USA sont les soutiens inconditionnels de l'Etat hébreu. Ici, la France en solo !
*La position française dure vis à vis de l'Iran a tout pour plaire aux monarchies pétrolières
*Face aux attaques dont il fait l'objet, l'entourage de L Fabius, annonce en Off, que John Kerry est arrivé à Genève avec un texte déjà ficelé, jamais présenté devant ses partenaires qui devaient juste avaliser sans discussion.
* Très concrètement, le blocage du processus de règlement du dossier nucléaire iranien par la France permet à B Nétanyahou de s'envoler aux USA dès demain mardi pour chercher des appuis au Congrès face à B Obama et la volonté du démocrate de régler enfin le dossier iranien.
Résué.Le N°1 israélien part aux USA pour s'opposer frontalement à Barack Obama, qui, tout de même, dirige les Etats-Unis.
*Le veto fabiusien aura servi à donner du temps au dirigeant israélien pour lancer une campagne médiatique et politique directement outre-atlantique.
*Le 20 novembre est la date normalement prévue pour la reprise des discussions.
VENGEANCE "DIPLOMATIQUE" ?
* Le NON français aura été aussi - même si personne ne le dit !!!- une manière très directe par la France de remettre Obama et son équipe à leur place. Un renvoi d'ascenseur en quelque sorte. François Hollande et l'armée ayant été gravement humiliés par le volte-face du président américain à propos du bombardement conjoint programmé de Damas puis stoppé.
Humiliation comme jamais peut-être à ce niveau, dans histoire de la France.Immense ridicule de la journée folle du dirigeant français qui avait été prévenu seulement en fin d'après-midi. Alors que certains politiciens US savaient dès le matin que Obama renonçait.
Humiliation maximale de l'hexagone. Hollande faisant vombrir les moteurs de ses armes opérationnelles prévues durant une journée complète. Toute l'armée médiatique en sur-régime qui préparait l'opinion à une intervention. France que les américains voulaient à leurs côtés pour lancer les bombes; puis qu'ils ont lâché sans prévenir. Sans remerciement public ultérieur. Et ensuite, France négligée dans les négociations qui s'ensuivirent sur la Syrie.
La position de refus de ce week-end par Fabius des propositions Kerry est aussi une manière de rendre par la biais du dossier iranien la monnaie de la pièce du traitement du dossier syrien, calamiteux pour l'image de la France en risée interne et externe.
Juste une petite vengeance entre amis.
Sylvie Neidinger