Le Forum Suisse de Politique Internationale (FSPI) et le Musée des Suisses dans le monde (MSM) accueillaient vendredi 28 février dernier (2014) MCR, cette éminente suissesse lors d' un déjeuner-débat donné à Penthes dans le cadre de ses réunions mensuelles.
Micheline Calmy-Rey, actuellement Professeur au Global Institute de l'Université de Genève, bien évidemment Présidente de la Confédération Suisse (2007 et 2011) après avoir été conseillère et chef du Département Fédéral des Affaires Etrangères (2003-2011) venait présenter son récent ouvrage dans un contexte politique helvète particulier : le "post-votation du 9 février."
CONTEXTE 9-FEVRIERISTE
Après les mots de bienvenue spirituels de l'Ambassadeur de Suisse Luzius Wasescha, qui la présenta sous son célèbre acronyme MCR, la Présidente introduisait la séance sur le même registre par un tonitruant et remarqué "Mesdames, Messieurs les immigrés de masse" adressé à la salle composée de diplomates, universitaires, humanitaires, financiers etc.
S'ensuivit un discours ultra-structuré, brillant. Il reprenait en partie le dernier chapitre du livre qu'elle vient de sortir aux Editions Favre de Lausanne: " La Suisse que je souhaite".
Nota-Les membres du Forum FSPI -dont le siège est à Genève -se rencontrent régulièrement pour réfléchir à l'évolution du monde, aux rapports intergouvernementaux et bilatéraux.
Ce Cercle avec ses débats éclairés par des témoins de premier plan se trouvait réellement ce vendredi aux premières loges de l'actu ! Dommage que ces séances ne soient pas enregistrées...
"NOUS SOMMES ENFANTS DE ROUSSEAU"
A sa propre question"Pourquoi la Suisse est-elle si méfiante en matière de politique étrangère ?" MCR a proposé deux réponses:
1- La Suisse développe un concept international général qui repose sur ses particularités " Nous sommes enfants de Rousseau !" rappelle-t-elle. Les particularités viennent quelquefois en contradictions avec les intérêts supérieurs du mode fédéraliste.
2-Sa neutralité depuis 1647. Un atout qui peut toutefois peser car "dans le monde globalisé actuel, l’isolement ne permet pas toujours de résoudre les problèmes"
Le pays, trop souvent discret, a intérêt selon elle à renforcer sa présence dans le monde international pour une meilleure efficacité.
Son ouvrage donne des éclairages concrets de son propre passé politique récent à la tête de la Confédération (avec par exemple un chapitre intitulé: Téhéran ou la photo avec un voile) Mais pas seulement...
Cette fille de Rousseau propose un Contrat social.
Sa vision à la première personne du singulier rédigée en août 2013 entre en direct dans l'actualité helvète de ce début d'année 2014 si mouvementé, avec la votation immigration:"Un sentiment de crise morale, d'indifférence, comme une grande désillusion domine (...) La Suisse est à la croisée des chemins"(p 204)
Sa solution: l'ouverture à l'UE. "La Suisse ne gagne pas à un jeu dominé par les rapports de force. Elle a donc intérêt à développer ses engagements à la fois bi et multilatéraux. Dans un tel contexte, la neutralité est un atout (...), facilitée par la réputation de négociatrice honnête de la Suisse."(p 206)
Un tel positionnement implique de ne pas favoriser l'un ou l'autre.
"Convient-il dès lors de mener une politique étrangère propre ?" se demande-t-elle. "J'ai eu de la peine à faire comprendre aux Suisses les avantages d'une politique étrangère à la marge de l'Union Européenne. (..) Faut-il choisir d'être composante d'un ensemble plus grand et plus compétitif ? ( p207) Autrement dit nous abriter sous le parapluie de la grande Union Européenne? Négocier une adhésion qui pourrait être assortie d'exceptions concernant la neutralité, la monnaie, les service publics ou le marché du travail ?".
Auquel cas la Suisse s'assurerait une "influence sur toutes les décisions de l'Union, le meilleur accès au grand marché pour ses entreprises et pourrait faire valoir son habileté diplomatique dans un cadre élargi".
UE: DANS...46 ANS !?
Elle même en est convaincue mais sait nombre de ses concitoyens pas encore prêts.
Un intervenant fit remarquer avec humour que, entre la date de création de l'Onu et l'entrée de la Suisse à cet organisme en 2002, il s'est passé... 46 ans. On peut imaginer un tel scénario pour l'UE.Ou jamais ?
Micheline Clamy-Rey en tous cas donne de sa personne pour ses convictions. Elle évoqua à Penthes un récent duel à la télévision alémanique avec Christophe Blocher avec qui elle a ferraillé sec sur des bases radicalement opposées dans l'émission bien nommée Arena.
On la cite lors de ce débat du 21 février à l'attention de son adversaire:«Vous êtes énervé car la Suisse romande ne ressemble pas à ce que vous voulez! Vous voulez renvoyer les étrangers et maintenant vous voulez renvoyer les Romands», a commenté la Genevoise sans langue de bois. ( média SRF)
Style direct et franc. Toujours si calme.
MCR dit recevoir de temps en temps quelques lettres d'insultes lui demandant d'...habiter à Bruxelles ! Et dans le même temps des courriers d'encouragement.
Elle prône une Suisse ouverte. Un combat difficile pour ce peuple libre dans ses montagnes et ses lacs. Elle le sait.
Anselme Zurfluh, Directeur du Musée des Suisses dans le Monde- ce véritable ...repaire genevois d'historiens!- clôtura ainsi la séance à son égard: "Madame, l'objet de votre livre est l'objet de notre institution"
En cette journée de la Femme, on admire cette Suissesse du Monde pour la netteté et la force de ses convictions. Engagée et indépendante d'esprit.
Sylvie Neidinger
La Suisse que je souhaite. Micheline Calmy-Rey. Préface de Romaine Jean Editions Favre isbn 9782828913182
Rubrique Femme en Une ( 8 mars et autre)
8 mars 2015-Henriette d'Angeville, pionnière du Mont Blanc, première alpiniste
8 mars 2014- La Suisse que souhaite Micheline Calmy-Rey
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