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Z-Geneve GeneVie - Page 48

  • Antoine Lumière, homme de presse à Annemasse

     La récente rubrique « Journaliste à la Une» ouverte à propos de ceux qui fabriquent l’info traite aujourd’hui d’un Improbable : Antoine Lumière, le père. Car il n’est absolument pas connu en tant qu’homme de presse !

    2, rue du Parc à  Annemasse, une plaque dédicatoire attire l’attention :

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    « Cette maison et cette imprimerie ont été construites en 1898

    Par Antoine LUMIERE, le père de Louis et Auguste

    Qui inventèrent le cinéma en 1895 .

    Antoine LUMIERE fut à l’origine de la création

    Du journal républicain et laïque « Le Progrès de la Haute-Savoie ».

    Il installa comme directeur un maître imprimeur Pierre GRANCHAMP

    qui publia le 1er numéro de ce journal le 26 mars 1898

    et racheta l’imprimerie et la maison en 1909.

    Albert GRANCHAMP son fils, puis Pierre GRANCHAMP son petit-fils

    poursuivirent jusqu’en 1976 la publication du « Progrès de la Haute-Savoie »

    dont la parution avait été suspendue sous Vichy.

    C’est également ici que furent imprimés clandestinement

    des numéros du journal de la Résistance  Combat. »

     

               Le 18 novembre 1995.

     

    On apprend que celui qui …"inventa" ceux  qui …inventèrent le cinéma, à savoir Antoine père de Louis et Auguste, fondait  un journal haut-savoyard en 1898 dans la mouvance des libres-penseurs. Il a soigneusement choisi de revendre l'hebdomadaire  radical (la maison, le jardin etc.)  à Pierre Granchamp.antoine lumière,pierre louis lumière,haue-savoie,granchamp

    antoine lumière,pierre louis lumière,haue-savoie,granchampSurprenant car même sa page wikipedia  est muette sur cette création d'un imprimé. Mieux: l'Institut Lumière de Lyon n'était pas informé (lire, en bas)

    Ceci dit, que le peintre et photographe franc-comtois d’origine ait voulu créer un média papier n’est pas si surprenant. Un journal se doit d’une bonne dose d’illustrations (dessins, photos...) autour d’un texte.

    En 1898 tout  comme en 2013.

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     Comme il fait bon d'être curieux et de lever le nez pour lire les plaques de rue...

                                       Sylvie Neidinger

     Villa Lumière Musée à Lyon. Palais Lumière à Evian.

    Institut Lumière, Lyon

     

                                                                  

     Ici un extrait d'actualité du village de Pers-Jussy qui décrit la presse locale à l'époque :""En 1914, Pers-Jussy est une commune totalement axée sur l'agriculture. Environ 75% des chefs de familles sont agriculteurs. Beaucoup ne possèdent que quelques vaches. On n'achète que les denrées que l'on ne peut pas produire. Les jeunes sont tentés de partir, définitivement ou non, pour aller gagner leur vie en ville (à Genève surtout).(...)En 1914, il n'y a évidemment ni radio ni télévision. Les nouvelles du monde extérieur arrivent par les hebdomadaires auxquels certains sont abonnés. Deux sont très marqués politiquement : "La Croix de la Haute-Savoie", proche de la hiérarchie catholique, et "Le Progrès de la Haute-Savoie" qui appartient au camp "d'en face". Deux autres, "Le Messager agricole" (ancêtre du "Messager" actuel) et "Le Cultivateur savoyard", affectent une certaine neutralité. On lit aussi "Le Rochois" qui donne des informations plus locales. Mais c'est surtout à la fruitière, au café, au marché de La Roche et éventuellement aux enterrements qu'on apprend les nouvelles."

     SUIVI SUITE A PUBLICATION:ANTOINE LUMIERE ET GENEVE

    *A l'Institut Lumière de Lyon, appelé dans la foulée,  l'activité de presse d'Antoine était méconnue. En tous cas aux interlocuteurs de ce jour là.

    *Reste à découvrir  pourquoi Antoine Lumière s'intéresse précisément à la zone genevoise: une imprimerie à Annemasse et achat de ce qui va devenir le Palais Lumière à Evian. Enquête non close...

    *Un livre consacré à l'histoire d'Annemasse par Guy Gavard donne un début d'explication :" Grâce à ses relations maçonniques à Genève, on choix se porte sur Pierre Grandchamp maître imprimeur à Genève au journal le Genevois". Genève, la maçonnerie : pistes à suivre!

     Journalistes à la Une:

    N°1- Albert Londres

    N°2- Antoine Lumière

     

  • Devinette: quel est le plus ancien éditeur genevois encore en activité ?

     Réponse : la Société d’histoire et d’archéologie de  Genève (SHAG) fondée en... 1838 !

    Soit.....avant la nouvelle Constitution Fédérale du 12 septembre 1848 !

    Confirmation: lire les données  aux Archives de l'Etat de Genève .aeg,expo;archives etat geneve,shag; société histoire archéologique de geneve

    Les AEG viennent d'ouvrir vendredi 31 mai une nouvelle expo  visible jusqu'au 20 décembre 2013.

    Une rétropscpective des...175 ans d'existence de cette société savante.

     

    L'annonce est visible sur le site officiel des Archives : 

    "au fil des vitrines, à travers de nombreux documents, manuscrits, céramiquesphotographies, médailles, monographies, revues et affiches, la société invité à découvrir les plus beaux moments de son passé et la diversité de ses activités. La qualité de son réseau, fort de trois cents membres et de près de deux cents sociétés savantes correspondantes, témoigne de sa vigueur tant à Genève qu'au niveau national et international."

    Elle donne bien l'envie d'aller jeter un oeil sur ce panorama rétrospectif de l'activité d'une association au service de la meilleures connaissance du passé.

    Une histoire des savoirs en fait...

    D'autant que, en matière archéologique, les méthodes ont totalement varié au cours de ce "presque double siècle".

    En pratique : le passage du "cabinet de curiosité" aux techniques archéo-scientifiques spécialisées.

    Découvrir les vitrines pour...mieux comprendre les enjeux, les combats, les grands archéologues, les publications.

    Et les regrets éventuels pour les sites perdus face au modernisme qui court à vivre allure?

    Réponse en allant évidemment sur place !

                                            Sylvie Neidinger

     

    Exposition visible du 31 mai au 20 décembre 2013 rue de l'Hôtel-de-Ville 1, de 9h à 17h.
    Entrée libre

    SHAG Société d'Histoire et d'Archéologie de Genève

                                                        Rubrique La GeneVie

  • « Commerce d’esclaves depuis Genève ». Du 31 mai au 15 juin aux cinémas du Grütli

     Les cinémas du Grûtli revisitent de l’histoire de la Traite négrière à l’initiative de cooperaxion.org,  fondation bernoise qui « thématise le rôle des acteurs suisses dans le commerce triangulaire » selon son communiqué de presse du 16 mai.geneve,cinma du grütli,coopéraxion.orgtraite,esclavage,commerce triangulaire

     Est dressé un état des lieux :

    « La Suisse, alors encore officiellement Confédération helvétique, n’était pas un empire colonial. Néanmoins, elle était totalement intégrée dans les réseaux financiers et commerciaux européens. Des entreprises et des particuliers de renom ont participé et profité directement et indirectement du commerce lié à la traite des esclaves.Des citoyens genevois furent également actifs, à différents niveaux, dans le commerce triangulaire transatlantique.»

    Et de citer des ...noms de famille. Sur son site internet l'association  mentionne une base de données en langue allemande avec les noms des ...protagonistes. Comme pour un tribunal de l'histoire ? 

    Cooperaxion   joue un rôle  militant de  réparation puisqu’elle organise également  des projets culturels en Afrique de l’Ouest et au Brésil, sur les routes du commerce triangulaire.

     Cette  démarche  historienne de retracer, retrouver partout les indices de la traite esclavagiste, notamment à Genève  est intéressante.

    Mais affirmer comme une découverte majeure l’implication de la Suisse n’est pas un scoop à première vue...

    Il semble évident que ce pays   n’était pas  une île à part. Et que le financement du commerce pouvait fortement  passer en partie par Genève, on s'en doute ! Le contraire eût été plutôt étonnant.

     Il y a un écueil à ne pas  sombrer dans le travers  de ce type de démarche mémorielle : l’amalgame rétro- historique.

    Ce qui était ordinaire au XVIIème siècle ne l’est plus au XXIème siècle car le droit et les mentalités ont évolué. Fort heureusement.

    Dans l’autre sens  quelle erreur  de morale  déplacée s’il s’agit de faire le  procès de mentalités et  personnes aujourd’hui disparues !   Et d’imposer  repentance ou mauvaise conscience.

    ET LES ESCLAVES CONTEMPORAINS, DANS NOS RUES, SOUS NOS YEUX ??

     Très concrètement aujourd’hui 1er juin 2013 : la traite humaine se pratique sous nos yeux  à  Genève (et le Grand Genève) par les réseaux de mendicité organisés   au profit  des chefs mafieux  de Roumanie ( dont ceux de Barbulesti)

    Que pouvons nous faire individuellement ? Donner une aumône, c’est entretenir le système esclavagiste en place…On sait par ailleurs que si ces esclaves contemporains ne ramènent pas le soir les sommes demandées, ils subissents des violences.

    Concrètement, quelle action mener contre cet esclavage contemporain ?

    Les polices sont impuissantes des deux côtés de la frontière à faire cesser un  système global, connu, suivi par les Services concernés  mais  qui se réalimente en permanence avec des individus esclaves renouvelés. Les filières sont identifiées.

    Le commissaire principal Philippe  Guffon de Annemasse, Directeur -adjoint de la Sécurité publique de Haute-Savoie est en totale conscience du problème.

    Mais la loi du silence règne chez les ...victimes.   (lire )

    Si les autorités publiques administratives, juridiques  et policières des Etats Suisse et France ne peuvent pas -avec  tout l'arsenal juridique  qui existe!- faire cesser cette Traite issue des pays de l'Est, parce que les preuves juridiques tangibles, valorisables lors d'un procès,   sont difficiles à réunir, alors qui le pourra???

    Cette Traite moderne, au coeur de l'Europe, ultra complexe à ramifications internationaleperdure.

    Et semble utra difficile à faire cesser.

    D’où le grand questionnement sur la démarche mémorielle pour une période lointaine allant du XVIIème au XIXème : informer oui. Porter un jugement a posteriori : certainement pas !

                                                                                                     Sylvie Neidinger

    *Constat : que ce soit avec le commerce triangulaire hier ou aujourd'hui avec les pays de l'Est, la notion d'esclavage semble  toujours liée à ces deux faits: 1-un caractère international 2-des individus déplacés de leur espace d'origine.

                                                                           

    Vendredi 31 maigeneve,cinma du grütli,coopéraxion.orgtraite,esclavage,commerce triangulaire

    18h00 Film : Route de l’esclave : L’instinct de la résistance, UNESCO, 2012.

    En partenariat avec la Commission suisse pour l’UNESCO. 34'

    19h00 Conférence : De l’inégalité des peuples au temps de Rousseau

    avec Danielle Buyssens, historienne, conservatrice au Musée d’ethnographie

    de Genève

    19h45 Conférence : Descendants d’esclaves – la question des Quilombos

    au Brésil avec Izabel Barros de Siqueira, cooperaxion

    21h00 Film : La legende de la terre d’or, BR/CH, 2007. Exploitations des terres et

    des hommes brésiliens. 55'

    Samedi 1 juin

    19h00 Conférence : La littérature de « cordel » et la musique du nord-est

    du Brésil avec Eduardo Machado, musicien

    21h00 Film : Retour à Gorée, CH/LU, 2007. Youssou N’Dour sur les traces des

    esclaves. 102'

    Vendredi 14 juin

    18h00 Film : Route de l’esclave : L’instinct de la résistance, UNESCO, 2012.

    En partenariat avec la Commission suisse pour l’UNESCO. 34’

    19h00 Conférence : La Suisse et l’esclavage avec Bouda Etemad, Prof. Histoire

    économique, Université de Genève

    19h45 Conférence : Genève à la périphérie du monde atlantique : quelques

    exemples de ramifications genevoises avec l’économie de traite

    avec Gilles Forster, historien, Haute école d’art et de design (HEAD-Genève)

    21h00 Film : Rue Cases Negres, FR, 1983. Histoire d’une enfance au Martinique. 103'

    Samedi 15 juin

    14h00 Visite guidée : Le groupe de Coppet et le mouvement abolitionniste,

    Château de Coppet (RDV : Gare de Genève-Cornavin au point de rencontre)

    19h00 Conférence : Raízes distantes – la musique brésilienne avec

    Eduardo Machado

    21h00 Film : L’esclave libre, USA,1958. Elevée comme fille de planteur, Amantha

    Starr est vendue comme esclave, après le mort de son père. 125'


    www.cooperaxion.org

    Cinémas du Grütli   rue du Général Dufour,16  Genève

    Rétrolien : lire


                                                       rubrique GeneVie

  • Hommage de Genève à Jean Starobinski au Palais Eynard

     Le Palais Eynard lançait un clin d’œil au ciel, ce mercredi 29 mai 2014 à 18h30. Les cieux ont bien compris le message, par une magnifique ambiance vespérale qui  imprégnait le parc des  bastions...jean starobinsky,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genèvejean starobinsky,sami kanaan,ruthdrifuss,mrl,genève

    Dynamique amplifiée par l’intéressante  tension entre un fond d’air frais, des corps qui s’ingénient à déclarer les beaux jours ouverts et une luminosité solaire inespérée!

    La Genève politico-culturelle honorait ce jour là Jean Starobinski, de la célèbre « Ecole de Genève»  Critique Littéraire  fameuse dans le monde des Lettres.

    A l' invitation de la MRL, Maison de Rousseau et de la Littérature...

     Genève représentée à  l’échelon de l’Etat par la présence introductive du Conseiller Sami Kanaan. Représentée à l’échelon Fédéral indirectement par sa première  Présidente (1999),   Madame Ruth Dreifuss.jean starobinsky,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genève

    Le  Conseiller d’Etat  à la Culture   souligna combien l’hommage se  devait d’être rendu en ce magnifique  Palais Eynard, construit sur l’emplacement d’un ancien bastion.

     UNITE DE LIEU MAIS FORT HEUREUSEMENT PAS DE TEMPS !

     L’unité de lieu de la  pièce de théatre dix-huitièmiste qui s’est jouée ce soir là fut  essentielle.

    Jean Starobinski prit la parole pour dire combien l’honneur  rendu en ce lieu précis  le touchait.

    Il  avoua que enfant, il adorait venir y jouer au football  en voisin. Et combien il   commença sa formation intellectuelle par d’intenses lectures à la Bibliothèque, juste en face.jean starobinsky,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genève

    [ Bibliothèque  où sa première fiche de lecteur est aujourd’hui précieusement conservée  ]

    De facto, l’unité de temps n’avait plus de sens dans ce contexte: c’est bien de l’épaisseur d’une vie qu’il s’agit. En l’occurrence commencée en 1920.

    Voire même avant. Puisque  L'écrivain  a démarré  par évoquer sa biographie familiale.

    Au commencement …était le père qui décida  de quitter la Pologne, il y a un siècle  pour venir étudier la médecine à Genève. Vertige du temps écoulé : les "années  lycée"de son fils Jean datent  de... 1936 !

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     Deux spécialistes de son œuvre entouraient ce soir là Jean Starobinski de leur compétence. En réalité de leur affection. Il les a qualifiés d’amis: Martin Rueff et Jean-Claude Bonnet.

    jean starobinsky,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genèveCe dernier prit la parole pour souligner que le célèbre critique, écrivain, essayiste, spécialiste du XVIIIème siècle ne fut pas trop  influencé par la mode années 80  qui mettait en exergue les écrits libertins.

    Jean Starobinki est resté dans du lourd et du solide: Rousseau et Diderot !

    « Le premier, un  introverti, véritable homme des livres, le second, un  extraverti homme des feuilles » comme l’a si élégamment souligné le genevois.

    Après le Tricentenaire de la naissance de Rousseau, rideau est désormais ouvert sur le Tricentenaire de... Denis Diderot né le 5 octobre 1713.jean starobinsky,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genève

    L’occasion de relire tous les ouvrages que Jean Starobinski lui a consacrés.

    Pour mieux comprendre, de l'intérieur, en tête à tête avec le célèbre critique. Nommé avec affection Staro à Genève !                                                                                                                    Sylvie Neidinger

     

     

    jean starobinski,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genève*Post scriptum. En fin de la conférence enregistrée  le public n’avait  pas trop osé casser la magie des mots prononcés et poser de questions. Finalement lors du cocktail qui a suivi, j'ai demandé à Jean Starobinsky si le fait d’être à la fois homme de lettres et médecin portait  un signification particulière ? En effet, certains médecins-écrivains  théorisent leur double –compétence. Point de cela. Il a répondu très simplement par une négation qui reclassait son ordre de préférence « la médecine n’était pas mathématique à l’époque comme elle l’est devenue aujourd’hui » Et laissé comprendre que ce métier lui a surtout permis de vivre au démarrage. De bien vivre sa passion des Belles Lettres de facto. Avec une malicieuse conclusion: "la rigueur scientifique d'un côté et l'intuition poétique de l'autre".

    *Nota. Le Conseiller  Sami Kanaan a évoqué dans sa présentation le soutien actif  de l'Etat de Genève aux lettres.jean starobinski,sami kanaan,ruth dreifuss,mrl,genève Un soutien quelquefois direct vis à vis par exemple d'un éditeur. Ce qui n'est pas évident pour tout le monde...L'homme politique n'a pas caché l'existence de véritables débats avec ses homologues de la zone suisse alémanique "qui ne voient pas du tout les choses comme nous".

    Lui  assume tranquillement sa position de l'aide culturelle pro-active.  SN.  

    *Lire article de ce blog consacré à Rousseau le  jour du Tricentenaire à Genève : Banquet républicain à Genève. Lettre à Rousseau, premier Indigné.

     

                                                               Rubrique GeneVie

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  • Mal de femme. La perversion au féminin

     Le terme de "perversion" n’est pas à prendre au sens moral  Au sens d'une altération, celui d'une maladie.

     La jeune fille qui se prive de manger n'est pas une perverse au sens moral évidemment. Elle développe  une anormalité que le psychanalyse nomme un "mal de femme" et en sous-titre : la perversion au féminin.

    photo mal de femme 001.jpg

    « Elle avait dû descendre en l’espace de quelques jours à moins de 4 grammes d’hémoglobine et son teint correspondant à ce qu’on en décrit dans les livres : une pâleur essentielle, une consistance de cire empreinte dans la profondeur de la chair qui faisait de sa présence une apparition irréelle, un être venu de très loin, au-delà des frontières de la vie pour témoigner –de quelle énigme ? »

    "Quatre grammes": une mesure physique quantifiable pour une maladie psychosomatique gravissime: l’anorexie mentale. 

    Elle touche majoritairement les femmes (pourquoi ???) qui auto-sacrifient leur corps, le ravagent, le violentent au point de le rendre cadavre…vivant lorsque le mal devient paroxystique.

     L’ouvrage passionnant est paru récemment, en mars,  par Alain Abelhauser    psychanalyste, professeur en psychopathologie clinique à l’Université Rennes-2.

    Idéal à lire sur les bords du Léman à Genève, cette  patrie contemporaine des psy…

     L’auteur décrit la difficulté du corps médical à poser sur ce mal le diagnostic en raison précisément  de la perversion liée: le décalage entre «  l’exposé » par la patiente et sa réalité.

    Le  réel de « celle qui doit être obéie » comme le décrit si finement l’auteur en exergue.

    Il donne l'exemple d'une  hospitalisée en position agissante, coopérative avec le corps médical qui va jusqu’à  proposer de participer à ses soins,  de tenir elle-même sa courbe de température par exemple. Lorsque enfin, les soignants, rationnels commencent à s’apercevoir que toutes les données rendues sont …fausses ! La dame se fâche contre ceux qui ne comprennent rien. Elle   signe la décharge et quitte l’hôpital...

     L’illustration picturale  du livre choisie par l’auteur, à savoir  « Jeune fille accroupie tête baissée  » par Egon Schiele, peinture de 1918, Vienne est visuellement significative à propos des ravages auto-infligés. Rappel : Vienne : patrie… initiale des psychanalystes.

    Le corps négativé est  très à la mode, très présent  dans les magazines féminins, les mémoires d’étudiants, chez les mannequins etc.

    Pourtant l’anorexie reste terra incognita: si mystérieuse.


     [Nota Pour la clarté déontologique,  cet article va identifier par une couleur différente les commentaires  -dialectiques,  de la blogueuse inspirée par le sujet, commentaires ainsi différenciés des propositions de l'auteur. Car la  démarche est peu orthodoxe  pour une présentation d'ouvrage.]

     

    1-THEMATIQUE: Autour du SANG (Dracula)

     Quels mécanismes poussent la femme malade à devenir son propre Dracula : à se vider symboliquement de son sang ?? Le sang des menstrues, de la défloration, des accouchements   étant bien évidement une caractéristique du féminin...

    Le sang est chaud, son absence: mortifère.

    Alain Abelhauser évoque bien une vampirella (p152) Le  passage 3 du chapitre IV page 141 met en scène l’été 1816 à Genève sur les bords du lac, Villa Diodati, l’écriture de la  nouvelle « le vampire » par  Lord Byron qui deviendra mythe littéraire repris dans toute l’Europe.

     Il décrit également le cas de cette patiente d’une transparence cadavérique qui s’habille pourtant d’une robe rouge éclatant et ongles vernis du même rouge vif.

    Extraordinaires détails significatifs …Quelle provocation (ou pis-aller?) vis-à-vis des « Autres », du champ social et familial  que "se vider " en interne de son hémoglobine par graves privations  pour aller afficher en  externe, en parallèle, une substitution. Un ersatz de sang: juste la couleur rouge plaquée sur un corps au squelette rendu visible !

    La patiente décrite par l’auteur semble s’auto-jouer un clair-obscur, comme le négatif de la photo qui expulserait  l’érotisme humain pour mettre en scène un anti-érotisme de façade avec la maigreur repoussante mais peinturlurée de rouge. Un ravalement de façade, comme pour faire illusion !!!

    Pourquoi ce décharnement qui va la rendre  asexuée au point de n’être plus femme ?

    Pourquoi de fait,  toucher aux mécanismes primitifs  du cerveau et des hormones qui vous ont fait naître femme?  Pourquoi le jeu pervers de masquer ?

    L’auteur parle d’énigme. Le mystère reste total.

    Un jeu pervers ultra impératif puisque la malade impose son choix d’apparence inversée à la société qui l’observe. Mais Dracula n’explique pas tout…

    p 148 : l'auteur évoque   la "transgression" permanente non seulement entre vie et mort mais aussi humanité /animalité et les frontières si  floues...

    2-VIOL-EN-SOI 

     Le professeur de psychopathologie  ne situe pas tant la problématique dans un entre-deux des rives de la vie et de la mort (mort/vivant) Mais bien entre une problématique de violence ("viol-en-soi" voudrais-je écrire pour mieux exprimer!)"  la victime et la prédatrice prises dans une même individualité.  Lasthénie est bien Vampirella (p152)" Au bal des vampires,

    Victime et bourreau s'avèrent en définitif confondus, telle est la clef, suggère l'auteur ! (page 153)

     Oui, la malade est bien son propre auto-prédateur-permanent...inconscient.

     Elle exerce par le mental sa fascination morbide sur le champ d’expérimentation perso et facilement accessible dont elle dispose "gratuitement ": son propre corps qu'elle va martyriser sans limite!

    La frontière de l’enveloppe corporelle devient alors haïe par celle qui a déclaré une anorexie, car le champ de sa bataille se situe à  l'intérieur de sa propre peau.

    En parfait et terrible huis-clos. Intime. Silencieux. Exténuant.

    D’où probablement ces anorexies d’ado qui se déclarent précisément quand le corps se transforme justement  à cet âge.

     Très intéressant ce rapprochement par le  psychiatre entre « victime et prédatrice »

    Car les deux sont en fait   les deux faces du même sujet !!! La plaie est le couteau. Le couteau est la plaie. Réunir les deux : c’est exprimer une image unique de VIOL/ence.

     Autre remarque de type  psychanalytique: couteau et plaie représentent la  symbolique traumatique sanglante  de l’acte fondateur de la vie: l’acte sexuel. Ici vécu comme blessure. Blessure initiale du premier acte ?? Blessure initiatique…

    Réunir le masculin et le féminin revient  pour l’esprit malade à produire une image uniciste, reconstruite de corps mêlés en "un seul" indéfinissablement masculino-féminin.

    Pouvant  se transformer du masculin au féminin et vice versa!

    On comprend alors que à la fois la logorrhée et  la couleur rouge participent à  la  mise en scène du morbide sous les deux aspects.

    La femme malade se comporte comme "prédatée/prédateur  sanguinaire "agresseur inconscient  d'… elle-même ! (ou inversement prédaté masculin par prédateur féminin suivant  le cas : pourquoi pas : l'anorexie est si complexe !!!? )

    3-JANUS PATHOLOGIQUE EN UN  HUIS-CLOS ANGOISSANT

    L’anorexie mentale  maladie très grave induit une anxiété maximale. Non limitée dans le temps en plus.

    L’image la plus proche pour signifier le niveau d’angoisse généré serait probablement celle de la victime placée dans le cas suivant:  deux personnes sont  enfermées dans une cellule de prison sans contact avec l’extérieur. L’une des deux est prédatrice avec un couteau et veut tuer. L’autre: une   victime strictement sans défense, sans arme, seule, sans recours , sans REGARD externe. Sanspossibilité de fuir, l'espace étant clos.Elle  développe alors une angoisse maximale, existentielle.

    Un  face à face morbide sans témoin...Une peur réellement in-humaine : une souffrance au delà (en deça?)  du...normal.

    Le  rapport au Verbe de la femme anorexique semble lui aussi  pathologique. 

    Car, observe Alain Abelhauser, plus son corps se décharne, plus la nourriture devient obsessionnelle. Et plus elle en parle !

    En effet, elle ne parle plus que de nourriture, de son obsession à ne pas devenir grosse, à ne pas prendre un seul  gramme. Elle met en scène face aux Autres son incapacité à avaler (ou alors fait semblant et recrache) Ou alors elle passe à la phase boulimique.

    Tout comme le rhinocéros de Ionesco  grossit et envahit l’espace de vie, cette  logorrhée  monomaniaque envahit son parler alors que dans le même temps le corps se déconstruit. Fuite du psychisme par la bouche. Bouche dévolue entre autre à ...manger.

    Ceci explique peut-être  cette incroyable comptabilité tenue au gramme près? La personne prisonnière de son anorexie mentale  abriterait « dans sa peau » un combat à la fois mortifère et vital. Un (une ?)  prédateur veut tuer (un) une «  prédatée »

    4.AU GRAMME PRES: LA COMPTABILITE MORTIFERE SYMBOLIQUE DE L'ANOREXIE MENTALE

    L’angoisse engendrée est si violente que la malade doit peser, soupeser en permanence la terrible comptabilité du combat en cours  : 50/50 est un équilibre instable  car pathologique.

    Or, un gramme de plus avalé et c’est un point donné !! Mais à quel camp interne ???? Celui prédateur ou prédaté ???Problème carrément existentiel !

    Question que je pose: voire même peut-être dans sa comptabilité morbide du 50/50, ne cherche-t-elle pas en permanence à mesurer sa part de masculin par rapport au féminin ? Alors que la malade semble dans l'incapacité de ledistinguer ! Angoisse maximale.

    Fausse balance de cette fausse Justice maladive du 50/50...

    Or  problème, le sang repris du côté victime ne se loge pas du côté bourreau !!!Il disparait tout comme globablement le corps fond. Probablement dans la plus grande incompréhension/jouissance inconsciente de celle qui victorieusement s'inflige cette blessure interne d'une... indécente visibilité?

    5-OU PART SYMBOLIQUEMENT  LE SANG ROUGE ET CHAUD ? QUESTIONNEMENT CRUCIAL 

    La notion de "point d'équilibre morbide" est certainement à creuser...Dans sa dualité, l'anorexique parle de nourriture d'autant plus qu'elle s'en prive, expose la couleur rouge  (le cas cité) d'autant plus que l'hémoglobine se réduit.

    Tout tourne autour d'un axe central....Les chiffres  semblent si importants dans cette maladie. Comme pour s'auto-convaincre, affaiblie, qu'elle a une prise, un contrôle sur elle-même alors qu'elle ne gère que les conséquences. Si elle les gère...

    L' hospitalisée évoquée plus haut par Alain Abelhauser tenait impérativement  sa ...comptabilité médicale (température etc.) Qu'elle modifiait à sa guise. "Démasquée", elle a préféré ne plus être soignée. Tellement l'accès par un tiers observateur de sa comptabilité réelle interne était  gravissime pour elle.

    Car-question ?- le vrai livre de sa comptabilité interne allait-il  démasquer le prédateur qui agit en elle?

    Lourd secret inconscient qu'elle ne doit jamais dévoiler  mais toujours exposer ?

    Cette tenue minutieuse de comptabilité corporelle semble en tous cas extrêmement caractéristique de cette maladie.

     Le psychanalyste Abelhauser pose dans cet ouvrage  le diagnostic de l ’anorexie mentale avec un descriptif. Même si on n’a pas encore à ce jour bien   pris la mesure de  tous les mécanismes de ce Janus pathologique si compliqué…

     « Il est un mal étrange que jusqu’à ces dernières années du moins  bien peu connaissaient. Seuls quelques hématologistes y avaient été confrontés et de rares lettrés qui avaient croisé sa description romancée en savaient l’existence p 13 »

    Ignorance désormais passée: Alain Abelhauser donne à lire cette excellente synthèse sur le sujet, un pavé dense, analytique  (dont les syndromes associés : le syndrome de Meadow, de Münchhausen, de Lasthénie de Ferjol etc..)

    Pour mieux comprendre ce mécanisme féminin totalement maladif  à se transformer sous les yeux de la société en  une «Fantomatique Irréelle, en danger de s’automutiler car en prédation d’elle même. Auteur d'une comptabilité pathologique .

    Par ailleurs et en même temps étant  terrible victime en huis-clos sans témoin d'un combat qui fait rage à l'intérieur de sa peau. Avec une non réponse existentielle pour la malade: à  savoir où est passé symboliquement le sang disparu? Quelle est la part interne du masculino/féminin : 50/50 ? 

    Pour un résultat ultra visible aux yeux des Autres: un corps décharné. 

    Comprendre pour soigner.

    Pour  mieux la faire Ré-entrer dans la communauté. Après celle des « mortes-vivantes », celle des vivantes enfin libérées de combats internes épuisants.

    Une chose est certaine:  l’absolue nécessité pour la malade de se faire aider médicalement.

                                                                                                        Sylvie Neidinger

    Mal de femme. La perversion au féminin. Alain Abelhauser. Seuil Mars 2013

    ISBN 978.2.02.109296.7

    IMPORTANT .

    1 Suivi de Note de la blogueuse:

    Un peu inquiète d'avoir "poussé les hypothèses" de l'auteur au delà d'une classique critique d"ouvrage, j'ai envoyé l'article à Alain Abelhauser et reçu  son avis  :

    "Merci beaucoup Madame, pour cette note de lecture et votre intérêt pour mon travail. Son écho dans les milieux non directement spécialisés est encore modeste (alors que j'ai vraiment essayé de l'écrire pour qu'il puisse être reçu par un public aussi large que possible), ce qui me rend d'autant plus sensible vos commentaires, l'accentuation que vous faites de certains points (le bourreau et la victime, par exemple) et, de façon plus générale, la compréhension de ses enjeux dont vous faites preuve.Merci donc de votre intérêt. J'espère évidemment qu'il en suscitera d'autres. Ce pourquoi des réactions (et des rédactions) comme la vôtre sont très précieuses."        

    2 M Abelhauser signale ici  que son ouvrage rédigé pour dépasser les publics spécialisés n'a pas encore atteint le grand public. Il est vrai qu'il a fait un choix de spécialiste à la fois dans le titre " la perversion au féminin" pouvant être mal compris comme "femme perverse" au lieu de femme malade. Le choix de la première de couverture avec une reproduction d'Egon Schiele (Jeune fille accroupie tête baissée) nue et décharnée est anti-commercial et grand public. Des choix courageux car ils reflètent bien le sens du contenu?



    Crédit images: couverture de l'ouvrage, scan .